Entre criminalité, exploitation et robots sexuels : la prostitution dans les médias en 2017

Compilation 2017 de l'actualité internationale de la prostitutionLa Fondation Scelles publie sa « Revue de l’actualité internationale de la prostitution 2017», une compilation de près de 1700 articles collectés quotidiennement pendant l’année. Dans le contexte de la crise des migrants, de l’affaire Weinstein et de la libération de la parole engendrée par le mouvement #MeToo… quelle place les médias ont-ils accordé à la prostitution ? Quelles nouvelles tendances ont émergé ? Face à un phénomène évolutif et mouvant comme la prostitution, l’analyse de l’actualité, jour après jour, est l’outil indispensable pour détecter et anticiper les évolutions. Etat des lieux 2017.

 

La prostitution est avant tout l’exploitation des plus vulnérables. Et la « Revue de l’actualité internationale 2017» est là pour rappeler que, partout dans le monde, des populations, en majorité des femmes et des filles, prises dans des crises économiques, politiques, climatiques, sont victimes de prostitution

 

-       Venezuela - Des femmes victimes de la crise économique, sont contraintes de vendre leur corps en Colombie (Reuters)

-       « Des migrants sont pris au piège de l’esclavage sexuel » (New Vision)

-       Kenya - Suite à la sécheresse, des adolescentes sont poussées à se prostituer pour nourrir leur famille (Africa News)

-       Allemagne - Des femmes enceintes sont prostituées en toute légalité (The Independent)

-       Malaisie - Des jeunes filles Rohingyas sont vendues en mariage (Vice)

 

L’explosion de la criminalité nigériane

 

Profitant de la multiplication des trafics de migrants, les réseaux nigérians ont considérablement développé leurs activités en quelques mois : 36.000 Nigérian-e-s ont traversé la Méditerranée à destination de l’Italie en 2016, titrait le quotidien nigérian The Guardian ; « Les proxénètes envoient 7 fois plus de jeunes femmes en Europe via les mafias locales et les églises pentecôtistes » (« Du Nigéria aux trottoirs de l’Europe », JDD.fr, 26/03/2017).

La plupart des pays européens sont touchés et s’inquiètent de la recrudescence du nombre de victimes nigérianes :

-       Irlande - « Nigerian Women are main victims of sex trade » (Irish Examiner)

-       France – « Entre Nîmes, Lyon, et Le Havre, plus de 50 Nigérianes, prisonnières d’un réseau de prostitution » (France Info)

 

Des mineur-e-s toujours plus exposé-e-s aux risques d’exploitation sexuelle

 

Parmi les populations vulnérables, les mineur-e-s et jeunes majeur-e-s ont une place particulière. De plus en plus d’articles alertent sur les risques prostitutionnels auxquels les jeunes sont confrontés, signe d’une réelle prise de conscience d’un phénomène que les Pouvoirs publics ne veulent pas toujours voir :

- Japon - Forte exposition des mineurs aux violences verbales, physiques et sexuelles (Channel New Asia)

- Les USA font le constat du nombre croissant de jeunes esclaves sexuels (Reuters)

- A Paris et à Bruxelles, une campagne publicitaire invite les jeunes étudiantes à « vendre leurs services » (sexuels).

- Canada – Une ado en fugue sur trois est victime d’exploitation sexuelle (TVA Nouvelles)

- Inde – « 15% commercial sex establishments provide minors for sex trade in Mumbaï » (Indian Express)

- Burkina Faso – Des « prostituées » de 10 à 15 ans interpellées dans une maison close (Benin Web TV)

 

Si les victimes sont de plus en plus jeunes, les bourreaux le sont aussi. En France, plusieurs affaires ont en effet mis en scène de jeunes proxénètes exploitant de jeunes mineures françaises, jeunes filles en fugue, petites amies ou victimes de jeunes délinquant-e-s des cités, reconverti-e-s dans le proxénétisme :

-       2 proxénètes de 19 ans arrêtés cours Lafayette (Lyon Capitale)

-       « Ils prostituaient leurs petites amies âgées de 15 et 16 ans : trois ans de prison ferme », (LCI)

-       « A 15 et 19 ans, ils livraient des fugueuses à la prostitution » (France 3 Auvergne Rhône-Alpes)

-       « Les cités, nouveaux filons des proxénètes », (Le Parisien)

 

Des tentatives de réponses sont apportées par la société pour protéger les mineur-e-s et jeunes majeur-e-s des risques prostitutionnels. En 2017, le Japon, pour la première fois, s’est emparé du problème : un décret pour enrayer le développement du proxénétisme sur mineurs a été édicté et Tokyo a pris des mesures pour limiter le recours aux moins de 18 ans dans certaines entreprises de service, dont les agences de rencontres : Tokyo en lutte contre la pédopornographie (Le Monde). De même l’Inde a pénalisé les relations sexuelles avec des mineures, désormais considérées comme un viol (BFMTV). En Malaisie, des ministères et des agences gouvernementales s’unissent pour lutter contre les crimes sexuels commis sur des enfants (Star Online). Et depuis octobre 2017, la France réfléchit à l’instauration d’un âge minimum de consentement, comblant ainsi une lacune du droit français (Le Monde). Mais, si ces mesures sont parfois historiques, elles demeurent  insuffisantes face à l’ampleur du phénomène.

 

Les nouvelles technologies au service de l'exploitation

 

Internet et, de manière plus globale, les nouvelles technologies jouent un rôle toujours plus central dans le développement de toutes ces formes d'exploitation, pour faciliter  les échanges sexuels. Les innovations en ce sens ne manquent pas :

-     en France, un site de géolocalisation des personnes prostituées inquiète la police (Le Parisien)

-     au Canada, une nouvelle application permet de trouver des chambres à l’heure disponibles (Ici Radio Canada)

Le rôle des réseaux sociaux, en particulier Facebook (Tahiti Infos) est mis en avant. Des sites d’annonces gratuites sont directement mis en cause : Vivastreet en France (Le Parisien), cible d’une enquête pour proxénétisme aggravé, Backpage aux USA, contraint par le gouvernement de fermer sa section « Adultes » (Reuters). Des plateformes communautaires, comme AirBnb sont détournées de leur destination à des fins de prostitution :  

-        Canada – Des locations AirBnb tournent mal : quand la prostitution s'invite dans votre appartement (Journal de Québec)

-        AirBnB, nouvel outil des réseaux de prostitution (24 Heures Actu)

 

La prostitution en débat

 

Partout les débats sur le régime juridique de la prostitution, voire même sur sa définition, se poursuivent. 

La décriminalisation peut protéger les personnes prostituées, disent certains :

-     Taïwan - Des groupes de défense des droits des personnes prostituées pressent le gouvernement de légaliser la prostitution (Taiwan News)

-     Australie - Une commission parlementaire recommande de décriminaliser la prostitution (ABC)

-     Royaume-Uni – Les syndicats s’opposent à la décriminalisation de la prostitution  (The Independent)

Tandis que d’autres militent pour une vision abolitionniste :

-     Tunisie - « Les femmes démocrates appellent à la fermeture des maisons closes » (Réalité Tunisie)

-     Israël - « Les ministres ont adopté deux projets de loi criminalisant les clients de prostituées » (Times of Israel)

-     France – Les médias suivent les progrès de l’application de la loi abolitionniste d’avril 2016

 

Ces débats tendus peuvent mener à de véritables changements sur le régime juridique de la prostitution ou, plus globalement, sur les droits des femmes. Ainsi, la Tunisie a adopté une loi sanctionnant toutes les formes de violences faites aux femmes, la première sur ce thème dans ce pays (Le Monde). Le Pakistan a promulgué une loi contre les mariages forcés des enfants et des femmes issues des minorités (Forbes). L’Irlande interdit l’achat de services sexuels (The Journal).

 

« Insolite »….

 

Comme toujours, à l’analyse des débats, les médias préfèrent le pittoresque et l’insolite… Le développement des poupées et des robots sexuels est ainsi devenu, en quelques mois, le sujet à la mode :

-     En 2017, des bordels spécialisés dans les poupées / robots sexuels ont ouvert leurs portes en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Irlande

-     Chine - Un ingénieur épouse le robot sexuel qu’il a lui-même construit (Slate)

-     Japon - Un savant tombe amoureux de sa poupée sexuelle (The Sun)

Au-delà du pittoresque, on peut s’interroger sur l’augmentation du recours à ces partenaires de silicone. Est-ce un bienfait ? Certains se réjouissent des conséquences bénéfiques que pourrait avoir ce phénomène : réduction du proxénétisme, prévention des maladies sexuellement transmissibles, disparition de la prostitution… Mais la réalité semble anéantir cette vision idyllique :

-     En Norvège et au Royaume-Uni, on repère des poupées sexuelles à l’effigie d’enfants au point que le gouvernement britannique interdit officiellement toute importation de ces poupées

-     Une poupée a été conçue pour résister aux demandes de son partenaire et être violée (The Independent)

-     Une poupée exposée dans un salon de l’Intelligence Artificielle en Autriche a été gravement endommagée par les visiteurs masculins qui veulent la palper (BBC)

 

De quoi inquiéter pour l’avenir… Au moment où les relations entre les femmes et les hommes sont remises en question et repensées, ce n’est pas l’émergence de ces substituts féminins qui fera évoluer le débat dans un sens positif.