Après un long combat, l’Irlande rejoint finalement le modèle nordique, comme la Suède, l’Islande, la Norvège, le Canada et, plus récemment, la France (2016), mais aussi l’Irlande du Nord (2015), 1ère région du Royaume-Uni à condamner l’achat d’un acte sexuel. La Fondation Scelles salue cette victoire majeure et appelle chacun à soutenir cet élan abolitionniste.
C’est un véritable bouleversement qui vient de se produire en République d’Irlande : le 14 février, le Sénat irlandais a adopté la Criminal Law (Sexual Offences) Act 2015, qui prévoit de supprimer le délit de racolage et de mettre fin à l’impunité des clients de la prostitution en pénalisant l’achat d’acte sexuel. Dorénavant, l’achat ou la promesse d’achat d’un acte sexuel auprès d’une personne prostituée en Irlande sera passible d’une amende de 500€ et de 1000€ en cas de récidive (des peines aggravées si la personne prostituée est victime de traite des êtres humains).
C’est le résultat d’un combat initié dès 2011. Six ans d’un riche travail parlementaire : auditions, commissions, débats…Mais aussi six ans d’un militantisme sans faille de la part d'ONG, d’activistes, de survivantes de la prostitution et de plus de 70 organisations de la société civile rassemblées sous la bannière « Turn Off the Red Light (TORL) » pour un seul objectif : mettre fin à la prostitution et à la traite sexuelle.
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Un choix de société
Car le modèle nordique n’est pas qu’une loi. Au-delà de l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel, le modèle nordique promeut en effet une autre vision de la prostitution : « la prostitution telle qu’elle est et non pas telle qu’on la rêve » (Najat Vallaud-Belkacem, 2013), c’est-à-dire une exploitation du corps et une violence faite aux plus vulnérables.
D’autres pays comme la Finlande, le Royaume-Uni (et, bientôt peut-être, le grand duché de Luxembourg) ont pénalisé le client de la prostitution sans faire le choix de ce changement de société. Ils ont opté pour des lois restrictives, quasiment inapplicables : sanctionner l’achat de services sexuels seulement auprès de personnes victimes de traite des êtres humains ou sous la coupe d’un proxénète.
Le modèle nordique, à l’inverse, prône une approche globale de la prostitution comme système d’exploitation et d’inégalités, en protégeant les victimes et en condamnant ceux qui suscitent ou tirent profit de ce système : clients et proxénètes.
Who’s next ?
Aujourd’hui, les appels à l’adoption du modèle nordique se généralisent. Et la réflexion sur la responsabilité du client est devenue un passage obligé pour tout débat sur la prostitution.
Dans certains pays, le processus législatif est en cours, à un stade plus ou moins avancé. En Ecosse, le parti travailliste qui porte le combat avait fait de l’adoption du modèle nordique une de ses promesses de campagne électorale en 2015. En Israël, un vote préliminaire de la Knesset en 2012 a permis une première avancée. Depuis, le débat s’est généralisé et l’idée de responsabilisation du client gagne l’opinion publique : en 2015, 54% de la population israélienne se prononçaient en faveur d’une responsabilisation des clients (contre 22% en 2012).
Pour autant, l’heure n’est pas au triomphalisme. Il faut poursuivre le combat pour étendre le modèle nordique à d’autres pays et, aussi, pour défendre les nouvelles lois en place face aux changements politiques et aux contestations des partisans de la décriminalisation…. Au Canada, en 2016, le gouvernement de Justin Trudeau a consulté les partis de « travailleuses du sexe » pour envisager une révision de la loi C-36 sur la prostitution, qui, pour le moment, n’a pas vu le jour. En Irlande du Nord, une opposition s’organise et la Haute Cour de Belfast a autorisé une révision judiciaire de la loi.
Rien n’est jamais sûr. A travers ses publications et ses actions de plaidoyer, le rôle de la Fondation Scelles, comme observatoire international de l’exploitation sexuelle, est non seulement d’appeler à l’adoption du modèle nordique, mais également de veiller à la mise en oeuvre et au respect des lois abolitionnistes adoptées.
>> Pour en savoir plus :
« Client de la prostitution : vers une prise de conscience européenne »