La mort d’une personne prostituée en septembre, Vanesa Campos, dans le Bois de Boulogne, nous renvoie à une autre affaire, celle de Ginka Trifonova, assassinée le 23 novembre 1999, près de la Porte de la Villette, par un “zonard”. Fabrice Drouelle dans l'émission Affaires Sensibles, nous fait revivre sa vie de victime du proxénétisme. Le réalisateur de documentaire, Mosco Levi Boucault, et le journaliste, Philippe Broussard, avaient réalisé un documentaire, puis Philippe Broussard un livre, qui sont plus que jamais d'actualité. Fabrice Drouelle en reprend parfaitement les idées dans son émission radio, Affaires sensibles, du 18 septembre.
www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-18-septembre-2018
Comprendre ce qu’est le proxénétisme aujourd’hui en France
Cette émission permet de comprendre ce qu’est la vie d'une majorité de personnes prostituées, victimes de proxénétisme. Chaque année, les tribunaux jugent une cinquantaine d'affaires de proxénétisme concernant plusieurs centaines de jeunes femmes, la partie visible de l’iceberg.
Comment des jeunes femmes peuvent commencer à se prostituer ?
Les dossiers montrent souvent des filles fragiles et rebelles comme Ginka, qui se laissent séduire par un prince charmant qui leur promet l'amour qui leur manque tant. « J’étais complètement amoureuse de lui. » écrit Ginka dans son carnet intime. Mais il faut qu'elles rapportent de l'argent. Est-il possible de comprendre qu'elles puissent accepter de se prostituer uniquement par amour pour ces proxénètes ? Et pourtant il n'y a rien d'autre. « Il a besoin d'argent, je ne voulais pas qu'il aille en prison. » écrit encore Ginka.
La peur remplace ensuite l’amour
Certaines, un jour, voudront refuser de continuer. Elles seront alors battues. Elles continueront alors la prostitution par peur et sans possibilité de s'en sortir.
Une grande solitude
Le journaliste Philippe Broussard explique enfin à quel point ces personnes vivent dans une très grande solitude. Elles ont quitté leur famille, elles ne voudront pas rentrer au village. Elles n’ont plus personne dans leur vie, à part leur proxénète.
"Faire son chiffre"
Etre prostituée sous le contrôle d’un proxénète, c’est d’abord devoir faire son chiffre. Quelques milliers de francs en 1999, 600 à 800 euros par nuit aujourd’hui en Europe.
Pour les proxénètes, un business rentable et peu risqué
Les polices ne cessent de répéter que la prostitution reste un business rentable et peu risqué. Un tiers du marché de la prostitution dans le monde serait aujourd’hui dans les mains de trafiquants de drogue.
Les caractéristiques de ce marché n’ont pas changé depuis 20 ans
Le journaliste qui revient sur son enquête 20 ans après, constate que le contexte n'a pas changé. Toujours les mêmes mécanismes de recrutement, de contrôle, d’exploitation, pour la même recherche de profits. Il y a toujours beaucoup de Ginka dans la rue ou dans des hôtels, maintenant vendues par Internet.
Que peut-on faire ?
Il faut plus parler du proxénétisme. Certains voudraient nous faire croire qu'une majorité de prostitution se fait sans proxénète. Ce n'est pas vrai. Quels que soient les régimes juridiques, les proxénètes tiennent une partie importante de la prostitution compte tenu des revenus importants qu'elle rapporte. La cinquante d’affaires jugées chaque année le montre.
La loi votée en 2016 propose de mieux prendre en charge des victimes, de dissuader les acheteurs et de créer un contexte moins rentable et plus risqué pour les proxénètes. Il n'y a pas d'autre stratégie possible si on veut réellement s'attaquer à ce business criminel en forte croissance dans le monde.
Cette émission de France Inter, rappelant l’histoire de Ginka, est un bon outil pour développer la prise de conscience de tous sur cette prostitution sous contrainte d’un tiers, si cachée. Il faut l’écouter.
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