Expertise Note

La prostitution dans les médias en 2021 : une réalité plus visible, mais un débat plus radical

L’année 2021 a encore été marquée par les effets de la pandémie pour les personnes en situation de prostitution comme pour les personnes atteintes de près ou de loin, par le Covid-19 : recrudescence de la violence, précarisation des personnes en situation de prostitution, développement des risques d’exploitation, tout particulièrement sexuelle, des plus fragiles, en premier lieu les mineur·e·s.

 

Compil presse 2021

 

-        “COVID-19 impact exposes millions to the risk of trafficking, UN agency says”, UN.org, 02/02/2021

-         « Mym, Onlyfans : la crise du Covid-19 provoque un boom des réseaux sociaux de l’intime », Midi Libre, 27/03/2021

-        « Entre reconversion et violences accrues, la prostitution à l’épreuve du Covid-19 », Marianne, 17/04/2021

-        « Travail forcé, prostitution: en Inde, les orphelins du Covid sont la proie du trafic d’enfants », Korii.slate.fr, 28/05/2021

-        « En Inde, la double tragédie des orphelins du Covid-19, en proie aux trafiquants », Le Monde, 21/06/2021

-        “Human trafficking on the rise amid COVID”, Deutsche Welle, 11/06/2021

-        « Viols d’enfants en livestreaming, un fléau en augmentation », France TV Infos, 06/12/2021

-        “Covid-19 has worsened child sex trafficking in Indonesia”, South China Morning Post, 31/12/2021

Au-delà même du contexte pandémique, le développement de la prostitution des mineur·e·s et jeunes majeur·e·s, qui alarme les médias depuis déjà plusieurs années, continue de faire la une dans des termes toujours plus dramatiques : « l’inquiétante expansion d’un phénomène », « les chiffres qui alarment », « le combat d’une mère pour sauver sa fille ».

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En 2021, plusieurs faits divers tragiques impliquant des filles mineures ou des jeunes filles majeures en situation de prostitution, sont venus renforcer cette inquiétude.

-        « Une mineure de 15 ans séquestrée et forcée à se prostituer pendant 6 mois à Avignon », France Bleu, 13/01/2021

-        « Anaïs Mechain, prostituée de 18 ans, séquestrée, brûlée et étranglée à mort par un client », Yahoo Actualités, 23/09/2021

-        « 3 adolescentes, dont l’une de 13 ans, frappées et forcées à se prostituer », Actu17.fr, 07/07/2021

-        « Une ado fugueuse de 16 ans était forcée à se prostituer », Actu.fr, 01/06/2021

La parole se libère. Les victimes, leurs familles témoignent de leur vécu. Une réelle prise de conscience semble enfin s’emparer de nos sociétés, de la société française en particulier. En témoignent plusieurs fictions télévisées, diffusées en 2021, qui se font l’écho de cette inquiétude et dénoncent l’exploitation sexuelle des mineur·e·s et jeunes majeur·e·s : « Fugueuse » en France, adaptée d’une série québécoise ; « Sky Rojo » en Espagne, « Christiane F., 13 ans, prostituée » adapté d’un témoignage qui bouleversa l’Allemagne à la fin des années 70, « Sacha » série suisse, co-scénarisée par Nicole Castioni à partir de son récit autobiographique….

-        « Prostitution des mineurs : “J’étais morte de l’intérieur”, confie Marion, exploitée sexuellement pendant son adolescence », France TV Info, 21/05/2021

-        « Prostitution : le combat d’une mère pour sauver sa fille de 16 ans », RTL, 24/06/2021

-        « Comment Nina, fille de bonne famille, est tombée dans la prostitution à l’âge de 14 ans », La Voix du Nord, 21/11/2021

-        « ‘Sky Rojo sur Netflix : les créateurs de La Casa de Papel dévoilent l’envers de la prostitution », Le Parisien, 19/03/2021

-        « Moi, Christiane F.: derrière la série, le calvaire de la plus fameuse junkie d’Allemagne », Konbini.com, 06/05/2021

-        « Fugueuse » sur TF1 : la prostitution des mineurs, un fléau difficile à combattre », LCI, 14/10/2021

-        « “Sacha”, l’enfer qu’on ne voit pas », Le Temps.ch, 05/11/2021

 

Des sociétés mobilisées contre la prostitution des mineur·e·s 

 

En ce domaine, 2021 aura marqué, en France en particulier, un moment charnière. La prostitution des mineur·e·s est désormais considérée comme un « défi », un « problème majeur », une « priorité »…  Tout au long de l’année, les actions se sont succédées : constitution d’une Commission parlementaire, adoption d’une loi pour lutter contre les violences sexuelles sur mineur·e·s, annonce d’un plan d’action par le gouvernement, déblocage de moyens financiers exceptionnels…. Les Pouvoirs publics prennent aujourd’hui pleinement la mesure de l’enjeu et la mobilisation est totale, au niveau national comme local.

-        «  La prostitution des mineures, un nouveau défi pour la justice », La Croix, 25/10/2021

-        « La prostitution des mineures est un problème majeur de la société », Charlie Hebdo, 17/11/2021

-        « Aujourd’hui, des adolescentes de tous les milieux tombent dans la prostitution », Libération, 12/05/2021

-        « La lutte contre la prostitution des mineures, priorité de l’année au tribunal de Meaux », Le Parisien, 09/09/2021

-        « A Lille, un projet unique en France pour sortir les mineures de la prostitution », Actu.fr, 28/09/2021

-        « Seine-St-Denis – L’Etat débloque un million d’euros pour la lutte contre la prostitution des mineurs » France Bleu, 10/11/2021

-        « L’Etat soutient l’innovation de la Seine-St-Denis pour lutter contre la prostitution des mineures », Seine-Saint-Denis Le Magazine, 12/11/2021

 

La pornographie dénoncée et les réseaux sociaux mis en cause

 

A la suite de l’enquête judiciaire ouverte en 2020 en France contre un site pornographique pour « viols en réunion », « traite d’êtres humains » et « proxénétisme », la réalité du monde de la pornographie continue à se dévoiler peu à peu, mettant à jour la violence, des pratiques dégradantes et l’exploitation :

-        « Dans le porno français, une mécanique des larmes et de la violence », Le Monde, 16/12/2021

-        « Violée dans la pornographie amateur : “Mon esprit n’était plus là” », France Inter, 09/12/2021

 

Mais c’est, plus précisément, le rôle joué à la fois par la pornographie et les réseaux sociaux dans les mécanismes d’exploitation des mineur·e·s que les médias veulent dénoncer, n’hésitant pas à mettre en cause la responsabilité de Snapchat, Tik Tok, AirBnb, Booking, Messenger, Facebook… dans le recrutement comme dans l’organisation de la prostitution des mineur·e·s (mais aussi des majeur·e·s) :

-        « Une association alerte sur l’exposition des enfants à la pornographie sur TikTok », Le Figaro, 06/01/2021

-        « Sur Onlyfans, les jeunes peuvent être facilement repérés par des proxénètes », Le Figaro, 28/01/2021

-        « Drogue, prostitution : Snapchat est-il devenu un réseau social sombre ? », Mouv.fr, 09/06/2021

-        « Julie Denayer sur le phénomène de la prostitution de mineures : « ‘Aujourd’hui, c’est devenu banal de montrer ses seins ou ses fesses sur les réseaux sociaux’ », DHNet.be, 03/10/2021

-        « Les enfants sont de plus en plus exposés à la pornographie et aux images violentes diffusées sur Internet », Femina.fr, 09/11/2021

-        « 20 applications utilisées pour leurrer les jeunes à des fins sexuelles », Journal de Montréal, 20/11/2021

 

La surexposition des mineur·e·s à la pornographie, l’influence de la pornographie sur le développement de la violence chez les jeunes poussent les Pouvoirs publics à agir :

-        « Scandale dans l’industrie pornographique : un producteur réputé incarcéré », Ouest-France, 15/01/2021

 

-        « Pornographie juvénile sur PornHub Mindgeek visée par une demande d’action collective de 600 millions (Canada)», La Presse, 08/01/2021

-        « Pornographie juvénile : Québec veut s’attaquer à la responsabilité des entreprises », La Presse, 13/04/2021

-        « Les principaux sites pornographiques sommés de mieux vérifier l’âge leurs visiteurs (France)», Le Monde, 27/03/2021

-        « 5 sites pornographiques sommés par le CSA d’empêcher l’accès des mineurs à leurs contenus (France) », Le Monde, 13/12/2021

 

Mais les progrès sont lents. En témoigne l’affaire OnlyFans, qui fait une annonce un jour et revient sur sa décision cinq jours plus tard :

-        « OnlyFans va interdire les contenus sexuels, mais pas la nudité, dès le mois d’octobre », Le Monde, 20/08/2021

-        « OnlyFans revient sur sa décision et n’interdira pas la pornographie », Le Monde, 25/08/2021

 

Débats sur les régimes juridiques : légaliser ou décriminaliser ?

 

Partout, dans le monde, le débat sur le régime juridique de la prostitution se poursuit. Faut-il légaliser, décriminaliser la prostitution ? Adopter un modèle nordique ?

-        « La réforme du code pénal risque de faciliter le proxénétisme (Belgique) », La Libre Belgique, 23/06/2021

-        « Pourquoi l’Etat continue-t-il à légaliser la prostitution en Grèce ? », Le Petit Journal, 29/03/2021

-        « The rush to legalize prostitution (New York) », New York Post, 19 mars 2021

-        « Maine governor faces pressure to decriminalize prostitution », Politico, 29/06/2021

-        « Decriminalizing sex work fails, it’s time for an alternative approach (Australia) », The Age, 30/06/2021

-        “Decriminalise prostitution if you want to respect women, says govt adviser (Scotland)”, Telegraph, 04/10/2021

-        “Pedro Sanchez: Spanish PM vows to outlaw prostitution”, BBC News, 17/10/2021

-        “Malta may adopt the ‘Nordic Model’ of decriminalising prostitution – but what does that mean?”, Lovin Malta, 30/10/2021

-        “MP pushing to legalise sex trade (Kenya)”, The Star, 02/12/2021

 

Il faut pourtant souligner une dimension nouvelle de ce débat : sa radicalisation croissante et, plus précisément, la violence à laquelle le combat abolitionniste est confronté. En France et ailleurs, les manifestations du 8 mars (journée internationale des droits des femmes) et du 25 novembre (journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes) se sont déroulées dans un climat de forte agressivité et les militant·e·s abolitionnistes y ont été la cible d’attaques et de violences inadmissibles, dénoncées par les médias internationaux.

-        « 8 mars, on ne peut pas être féministe et agresser des survivantes de la prostitution (France) », Temoignages.re - 11/03/2021

-        “Anti prostitution group’s protest attacked in Paris”, Morning Star, 09/03/2021

-        « Altercations lors d’une marche féministe : “Pour la 1ère fois, je n’ai pas pu finir une manifestation” (Belgique) », RTBF, 06/12/2021

 

Paradoxalement, l’éclairage (très médiatique et médiatisé) porté sur la prostitution des plus jeunes n’a pas eu pour effet d’ouvrir une réflexion sur la réalité du système prostitutionnel. Au contraire, l’inquiétude (légitime) pour les adolescent·e·s piégé·e·s dans la prostitution paraît occulter la dimension systémique de la prostitution et l’urgence de la combattre dans sa globalité…

En France, pays abolitionniste qui, sur le modèle de la Suède, a criminalisé l’achat d’actes sexuels, le combat abolitionniste semble même relégué au second plan derrière la lutte engagée contre la prostitution des mineur·e·s. La publication d’un rapport par des associations de terrain rassemblées en fédération (FACT-S) et le 5e anniversaire de l’adoption de la loi du 13 avril 2016 ont donné l’occasion de rappeler l’enjeu de la mise en œuvre d’un régime abolitionniste, tout comme la faiblesse des moyens humains et financiers consacrés à l’application de la loi de 2016.

-        « Prostitution : 2.4 milliards d’euros réclamés pour appliquer la loi », Nouvelles News, 12/02/2021

-        « Loi prostitution : il y a un manque de volonté politique derrière ce texte », Ouest-France, 13/04/2021

-        « Loi prostitution : L’application reste scandaleusement aléatoire sur le territoire », Le Monde, 13/04/2021)

-        « Il faut appliquer réellement la loi de 2016 », Libération, 13/04/2021