Le Plan d’action mondial de l’ONU pour la lutte contre la traite adopté en 2010 a été réaffirmé. Très bien. Mais, sans efforts supplémentaires, et dans un monde ou l’instabilité et les incertitudes économiques s’accroissent, n’est-il pas utopique, malgré les meilleures intentions, d’imaginer une diminution drastique de ce fléau à l’horizon 2030 ? Si l’action des Etats et des ONG nationales et internationales est bien réelle, il faudra investir des moyens d’une toute autre ampleur avec le concours de tous. Et, selon la Fondation Scelles qui lutte depuis 24 ans contre l’exploitation sexuelle, il faudra bien un jour en finir avec ce prétendu choix de survie qui serait acceptable. Le soi disant « moindre mal » reste inadmissible pour le travail forcé, l’esclavage domestique, le trafic d’organe tout comme l’exploitation sexuelle parce que ce sont d'abord les victimes qui en payent le prix.
Une déclaration de principe
La réunion de haut niveau de l’Assemblée Générale de l’ONU sur l’évaluation du plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes a débouché sur l’adoption d’une déclaration finale réaffirmant la volonté des Etats de combattre ce fléau mondial. Elle reprend dans ses grandes lignes mais aussi renforce et développe les préconisations du plan précédent mais reste, avant tout, une déclaration de principe… Alors bien sûr, les Etats membres s’engagent à « mettre fin à ce crime odieux ». Mais quid des moyens à mettre en œuvre ? Oui, les volontés sont ré-affirmées : l’importance des partenariats, de la coopération entre acteurs de la lutte, du rôle capital de la prévention, de la sensibilisation et de l’éducation, des outils juridiques pour les victimes et contre les trafiquants, de l’aide aux victimes… Mais derrière ces intentions louables, le fléau de la traite nécessiterait, d’une part, un véritable changement d’échelle, et d’autre part, une sérieuse réflexion quant à la prise en compte primordiale de la lutte contre ceux qui imposent, par l’argent, un acte sexuel à une victime.
De la détermination à l’action
Chacun joue sa partition. A la tribune, un par un, les représentants des pays sont venus dire les initiatives menées dans leur pays pour lutter contre la traite et souligner le manque de moyens, le besoin de non seulement continuer leurs actions mais aussi d’en faire plus, de réclamer des moyens supplémentaires. Deux constats au moins s’imposent : le nombre de victimes ne diminue pas et les femmes et les filles restent, de très loin, les principales victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Si la « volonté de régler les problèmes sociaux, économiques, culturels, politiques et autres qui exposent les personnes à la traite, comme la pauvreté, le chômage, les inégalités, les urgences humanitaires, notamment en temps de conflit armé ou à la suite de catastrophes naturelles, la violence sexuelle, la discrimination fondée sur le sexe, l’exclusion sociale et la marginalisation, ainsi que la culture de tolérance vis- à- vis de la violence faite aux femmes, aux jeunes et aux enfants » est indispensable, elle ne suffira pas tant que le profit passera avant l’humain dans les orientations politiques, économiques et stratégiques.
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Le prétendu choix par les victimes de leur activité
Cette instance a cependant permis de faire passer des messages forts qui s’ils sont réellement entendus peuvent permettre de faire bouger les lignes. Dans un discours très engagé contre l’exploitation sexuelle, Ruchira Gupta de Apne Aap Women Worldwide, a mis en garde contre les raccourcis qui tendraient à rendre acceptable la traite sexuelle dès lors qu’elle devient une nécessité de survie pour des millions de femmes et de jeunes filles. Ce « choix ne serait pas une exploitation » tente-t-on de nous faire croire. Mais « nous devons comprendre que tout ce qui est physiquement ou mentalement douloureux est de l’exploitation ». Nous ne pouvons « faire de la prostitution un moyen acceptable de survie pour les plus pauvres et les plus vulnérables ». Le modèle Nordique dans lequel « les victimes sont décriminalisées et les acheteurs sanctionnés » est clairement identifié comme « une bonne pratique » à suivre.
Winifred Doherty, de la Congrégation des Sœurs du bon pasteur, ne dit pas autre chose lorsqu’elle préconise d’intensifier la lutte contre la demande dans la prostitution considérée comme « une cause profonde de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ». Il ne peut y avoir « d’acceptation sociale de la prostitution des femmes et des filles ».
La Fondation Scelles continuera de défendre ardemment cette position jusque dans les instances internationales comme la seule voix possible pour enfin réduire cet intolérable esclavage.