Non, ce n’est pas un jeu. Les résultats européens de la campagne « A penny for your thoughts », qui a pour objet de sensibiliser le grand public, « client » ou non, sur les réalités de l’exploitation sexuelle sont sans équivoque. A l’occasion de la journée européenne de lutte contre la traite du 18 octobre dernier, la Fondation Scelles s’est rendue à Bruxelles pour la restitution des résultats de l’opération en France. Un constat : le chemin qui reste à parcourir pour faire prendre conscience des réalités de cette exploitation au plus grand nombre, semble encore bien long. C’est la Fondation belge Samilia qui est à l’origine de cette opération, en collaboration avec l’artiste néerlandaise Marian van Der Zwaan. Cette expérience interactive a été déclinée en affiches, petites annonces, messages téléphoniques, tournages de rue, interviews, dans 6 pays européens : Fondation Samilia (Belgique), Fondation Scelles (France), O’Ninho (Portugal), Animus (Bulgarie), Ruhama (Irlande), Acsis (Roumanie). >>>
Une « demande » bien réelle, et… inquiétante
Les affiches de silhouettes ont fait réagir : près de 3800 appels et plus de 240 messages laissés sur les boîtes vocales à travers les 6 villes européennes (Bruxelles, Sofia, Bucarest, Paris, Dublin, Lisbonne) participant au projet. Si l’objectif était bien de rappeler au public, qu’il soit « client » ou non de la prostitution ce qui se cache derrière l’apparent consentement des victimes, si quelques personnes ont eu des mots compatissants après avoir écouté l’histoire de ces 6 femmes, la plupart des hommes qui ont laissé un message sont restés impassibles à leur sort, œillères vissées sur la tête, persévérant malgré tout dans leur fantasme d’acheteurs d’acte sexuel. Le constat est sans appel et confirme à quel point l’exploitation sexuelle demeure une question de domination, exercée par des hommes qui représentent 99% des « clients » sur des femmes et des filles, quelles que soient les capitales concernées.
Penny from Marian van on Vimeo.
Des « clients » sans empathie
Au nom de toutes ces femmes exploitées, Andreea, Marylinn, Stella, Tatiana, Anca, Elena, toutes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle, la Fondation Scelles a présenté les résultats chocs de l’opération de sensibilisation à Paris #AllôStella. Si le collage des silhouettes dans le quartier de Belleville a montré une certaine banalisation et indifférence dues sans doute à la sur-saturation des images sexualisées dans l’espace public, plusieurs personnes se sont arrêtées devant l’affiche pour enregister le numéro de téléphone et font peut être partie des 110 personnes à avoir écouté l’histoire de cette jeune bulgare*, prostituée à Paris et poignardée de 23 coups de couteau, rue de la clotûre (XIXème). Sur le répondeur, un homme, un seul, a glissé un sobre « pardon Stella »…
#AlloStella, le message vocal.
Les résultats de la Campagne 'A penny for your thoughts'
C’est surtout à la suite de la publication d’une annonce sur le web que nous avons pu constater que la loi du 13 avril 2016, qui réprime l’achat d’actes sexuels en France, ne dissuade pas forcément les « clients » de solliciter Stella (51 sollicitations depuis la publication), pour des relations clairement à caractère prostitutionnel. Une loi qu’ « ils » ne veulent pas voir, qui n’a pas gagné encore toutes les têtes.
« Totale discrétion.(dispose de 250e). A bientôt peut-être dans le ciel du plaisir»
« Et pour ne plus revenir sur le sujet quel cadeau faut il prévoir pour un moment avec vous ? »
« Pouvez vous, svp, me donner des précisons sur vos prestations et tarifs ? »
« Je voulais connaître vos prestations et disponibilités. Sinon faites-vous les rdv de 15/20min...si oui à quel prix? »
Tous les jours, à toutes les heures, les messages arrivent, oppressants, sordides… Nous pouvons légitimement nous interroger sur le rôle joué par ces plateformes d’annonces en ligne dans ce type de « mise en relation ».
#AlloStella : il reste encore beaucoup à faire
Alors que chaque année, des millions de personnes tombent dans les mains de trafiquants et que la traite est devenue la deuxième activité criminelle la plus lucrative, avec des profits estimés à 150 milliards de dollars par an (OIT), la France s’est engagée en faveur du modèle suédois. En effet, tant que la question de la demande ne sera pas abordée par l’ensemble des acteurs concernés, les trafiquants, proxénètes et groupes criminels continueront de miser sur la rentabilité de cette traite sexuelle. La prise de conscience doit être globale et la Fondation Scelles croit fermement à l’intérêt de ces opérations de sensibilisation et à leur diffusion dans l’opinion, parce que ce combat est de la responsabilité de tous. Ce n’est pas un jeu.
>>> Ressources de la Campagne
• Le matériel de campagne des 6 pays partenaires et les créations de l’artiste Marian van Der Zwaan (partenaires, affiches, annonces, histoires des personnes prostituées, messages et réactions filmées du public, film final) sont disponibles sur un site dédié au projet ‘A Penny for your Thoughts’.
• ’A Penny for your Thoughts’ à Paris, Belleville – Stella, 19 ans
• Retrouvez l’histoire de Stella au 06 41 01 90 95 et #AlloStella sur le site de la Fondation Scelles ; Twitter ; Facebook • Les partenaires de la campagne : Fondation Scelles - France ; Fondation Samilia - Belgique ; O Ninho - Portugal ; ACSIS - Roumanie ; Ruhama - Irlande ; Animus - Bulgarie |