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Faut-il s'inquiéter du dernier rapport britannique sur la prostitution ?

diapo article rapportuk juillet2016Si le modèle nordique a gagné un soutien de poids en Europe avec la loi française du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, le rapport publié par le Home Affairs Select Committee outre-Manche révèle une certaine réticence dans la classe politique britannique pour ce type de modèle et lui préférant l’approche néo-zélandaise.

 

 

Un parti pris non avoué mais clairement identifiable

Si les auteurs du rapport affichent une certaine prudence en soulignant qu’aucun modèle existant ne serait directement transposable en Angleterre et au Pays de Galles, les conclusions et recommandations prennent clairement parti pour le modèle néo-zélandais qui donnerait, selon eux, suffisamment de preuves de son efficacité : législation claire, meilleures conditions pour les personnes prostituées, meilleure coopération des personnes prostituées avec la police, pas de développement notable de l’industrie du sexe. D’ailleurs, les auteurs recommandent d’ores et déjà une évaluation des éléments de la législation néo-zélandaise, qui pourraient être transposés dans la législation anglaise.

A contrario, la critique du modèle suédois se montre très insistante : la pénalisation de l’achat ne ferait pas la différence entre la prostitution qui a lieu entre deux adultes consentants et la prostitution d’exploitation. Le rapport ajoute qu’une telle loi nie aux personnes prostituées le droit de parler pour elles-mêmes. Par ailleurs, les auteurs estiment qu’à ce jour, les évaluations de l’efficacité d’une telle mesure ne sont pas suffisamment fiables car mesurées uniquement sur la prostitution de rue.

La publication récente de ce rapport provisoire tel que celui de 2011 qui a engagé, en France, le processus législatif, semble bien amorcer un processus qui devrait aboutir à une évolution de la loi sur la prostitution en Angleterre et au Pays de Galles à plus ou moins long terme. Fort de plus de 250 contributions reçues (particuliers, ONG, universitaires, politiques, etc…) et d’une composition transpartisane de ses membres (5 travaillistes, 6 conservateurs, 1 parti national écossais, 1 indépendant), le Comité a d’ores et déjà avancé un certain nombre de conclusions en attendant un rapport définitif prévu pour 2017.

Ce rapport fait aussi le constat d’une profonde divergence des points de vue et divise les contributions en deux groupes distincts :
- ceux en faveur d’une pénalisation de l’achat d’acte sexuel qui estiment que la prostitution est une exploitation sexuelle commerciale des femmes et des filles et qu’elle est incompatible avec l’égalité des genre (modèle suédois).
- ceux qui sont en faveur d’une « décriminalisation » des « travailleurs du sexe » et des « acheteurs ». Ils estiment que lorsque l’acte prostitutionnel résulte d’un accord consenti entre deux personnes, elle devient une occupation légitime et doit être reconnue comme telle (modèle néo-zélandais).

Vers l'abrogation du délit de racolage ? Une mesure nécessaire mais insuffisantehome affairs committee report 2016

Saluons toutefois la recommandation par les auteurs de ce rapport d’une suppression immédiate du délit de racolage qui ne réduit pas la demande et n’amène pas les personnes prostituées à chercher à quitter la prostitution et continue de les exposer aux abus de toutes sortes. Les auteurs demandent également une modification législative qui permettrait d’effacer les enregistrements de culpabilité des personnes prostituées liés aux faits de racolages. Toutefois, sans pénalisation de l’achat d’actes sexuels, la seule suppression du délit de racolage ouvrirait la voie au réglementarisme si les parlementaires décidaient de rester « au milieu du gué ». Gageons qu’une réflexion approfondie conduira nos amis d’outre-Manche vers un projet législatif plus global.

Une réflexion à approfondir

Conscients du manque d’information sur l’étendue et la nature du phénomène en Angleterre et au Pays de Galles, les auteurs constatent néanmoins une évolution des pratiques des réseaux de l’industrie du sexe (augmentation de l’utilisation d’internet, augmentation du nombre de migrants). Ils réclament donc, de fait, une étude approfondie pour 2017. Ils ajoutent qu’aucune des solutions examinées dans ce rapport (Suède, Nouvelle-Zélande, Allemagne) n’offre de solution complète.

Même s’il est provisoire, même si les témoignages et enquêtes ne manqueront pas de montrer l’utilité d’une lutte contre le système prostitutionnel dans son ensemble, les débats ne font que commencer et la Fondation Scelles sera attentive à leurs évolutions.

 

House of Commons Home Affairs Committee "Prostitution" Third Report of Session 2016–17 (pdf)

 

La loi sur la prostitution au Royaume-Uni

La prostitution est légale pour les personnes de 18 ans et plus, mais toute action en lien avec la prostitution organisée et son offre publique est illégale (exploitation en maison close, proxénétisme, kerb crawling , racolage sur la voie publique…). En 2008, le Royaume-Uni a pénalisé l’achat de services sexuels auprès de personnes prostituées sous contrainte. Cette loi est cependant difficilement applicable.
Depuis le 1er juin 2015, l’Irlande du Nord pénalise l’achat de services sexuels. Le client s’expose à une peine maximale de 6 mois de prison et/ou d’amendes.
Le Modern Slavery Act est entré en vigueur en mars 2015. Ce texte regroupe plusieurs textes de loi déjà existants qui condamnent la traite des êtres humains et permet ainsi une meilleure cohérence juridique. Les sanctions peuvent aller de l’amende à l’incarcération à perpétuité.

source : «Prostitutions : Exploitations, Persécutions, Répressions» - Fondation Scelles - Economica, 2016. 557p

 

 

La Fondation Scelles dans la presse

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