Chez les adolescents, internet est devenu une caisse de résonance des violences sexistes et sexuelles subies dans la rue, dans les transports ou dans les cours d'écoles. Telle est l'inquiétante constatation de l'étude sociologique sur le cybersexisme (chez les 12-15 ans) qui vient d'être publiée par le Centre Hubertine Auclert. De l'autre côté des Pyrénées, une récente étude espagnole indique que 20% des étudiants interrogés ne voient aucun problème à « utiliser les services » d'une personne prostituée. La banalisation des violences sexuelles, de la domination sexuelle et le sexisme sont-ils en passe de s'installer durablement chez les jeunes ?
L’ampleur du cybersexisme chez les ados
Les rumeurs, les insultes, les menaces, les messages à caractère sexuel, les chantages sexuels se diffusent sur le net, les réseaux sociaux, les ordinateurs, les tablettes, les téléphones des adolescents. 20% des filles et 13% des garçons rapportent avoir été insultés en ligne sur leur apparence physique ; 17% des filles et 11% des garçons déclarent avoir été confrontés à des cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou textos. Ces phénomènes sont en forte augmentation. Le sentiment d’impunité derrière un anonymat numérique apparent et la faible surveillance de ce qui se passe sur la toile contribuent à l’amplification de ces pratiques déjà bien ancrées. Dès 2014, lors du colloque « Société numérique, du meilleur au pire : l'exploitation sexuelle via internet » organisé par la Fondation Scelles, Carole Gay, responsable des affaires juridiques à l’AFPI (Association Française des Prestataires de l’Internet) avertissait sur les pratiques de sextortion, « utilisées par les pédophiles, qui consistent à se procurer des images inappropriées d’un mineur pour ensuite le menacer de les envoyer à sa famille ou à ses amis afin d’en obtenir encore plus de sa part ».
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Du Cybersexisme à l’exploitation sexuelle
De cette banalisation des comportements à la pratique d’une marchandisation du corps objet, l’espace numérique regorge de formes d’exploitation sexuelle plus ou moins déguisées, des catalogues d’escorting aux petites annonces de « massage érotique »… « Sur des sites grands publics comme Vivastreet ou d’autres noms de domaines plus spécialisés, n’importe qui peut accéder facilement à des petites annonces érotiques. » écrivaient Romain Fonsegrives et Jenna Le Bras dans l’article « les trottoirs du net », gagnant du meilleur article 2013 des Prix Fondation Scelles, « les jeunes contre l’exploitation sexuelle ». Là encore il est question de banalisation jusque dans la présentation où il s’agit de sites parfaitement accessibles et très consultés. Et que dire de cette enquête espagnole où 89% (Lien article) des étudiants interrogés se déclarent en faveur d’une « organisation » de la prostitution. L’inspecteur chef du « Centro de Inteligencia de Análisis de Riesgo de la Policía Nacional » indiquait récemment à El Mundo que les « clients » étaient de plus en plus jeunes, « 19 ou 20 ans ». Comme si payer pour un acte sexuel était normal. Pour faire partie du groupe, il faut faire comme les autres, c’est-à-dire « consommer ». Cette standardisation a de quoi inquiéter.
Prévention et sensibilisation comme parades ?
En France, le lancement d’une grande campagne de prévention (#stopcybersexisme), la diffusion d’un kit de sensibilisation dans 1500 établissements du secondaire en Île-de-France et le lancement d’un projet pilote de prévention à destination de 1500 élèves marquent pourtant la volonté de ne pas céder à cette évolution. Il est urgent d'alerter les jeunes sur les violences du quotidien et sur le web, et d'apprendre le respect de l'autre. La culture des valeurs d’égalité feront obstacle à cette banalisation du sexisme et de la réification d'autrui.
Alors que la loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel mentionne, dans son article L. 312-17-1-1 qu’ « une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps » doit être « dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène », l’heure semble plus que jamais venue de se mettre au travail.
Pour aller plus loin
Les loverboys, l'amour proxénète
Cybersexisme : une étude sociologique dans des établissements scolaires franciliens
« Pagar por sexo, normal entre los jóvenes » I.Velasco – Elmundo.es
Les jeunes contre l’exploitation sexuelle les vidéos 2012-2013