Lors du forum international sur « l’exploitation sexuelle, violation des droits humains » à Mexico, Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles, a prononcé un discours très attendu sur les atouts de la loi française du 13 avril 2016 contre le système prostitutionnel. Un véritable renversement des perspectives qui sanctionne enfin l’achat d’acte sexuel et dépénalise les victimes de cette exploitation.
Un changement culturel
La France porte désormais haut et fort, aux côtés de la Suède et de la Norvège, le modèle nordique qui protège les victimes et condamne les auteurs, qu’ils soient organisateurs ou acheteurs. C'est pour cette décision historique à laquelle elle a contribué et pour son combat sans relâche contre l’exploitation sexuelle, que la Fondation Scelles a été récompensée lors du Gala #HajoEnBlanco (page blanche) mettant à l’honneur les acteurs mexicains et internationaux de cette lutte le 6 octobre dernier. En 2015, le gouvernement mexicain identifiait 1814 victimes de traite des êtres humains dont 784 à des fins d’exploitation sexuelle. En discussion sur des évolutions législatives, le Mexique, dont 13 des 31 états ont des politiques réglementaristes avec des « zones de tolérance » de la prostitution continue néanmoins de mettre l’accent sur les poursuites judiciaires visant le trafic sexuel.
Une panoplie de moyens pour lutter contre l’exploitation sexuelle
Dans la nouvelle législation française, l’inversion de la charge pénale qui ne pèse plus sur les victimes mais sur les clients, permet désormais aux magistrats de lutter contre le marché criminel global de la prostitution où les acheteurs sont désormais susceptibles d’être poursuivis. Lutter contre la prostitution veut d’abord dire « lutter contre un système, contre une organisation ». Délit de racolage aboli, les victimes sont enfin reconnues comme telles après l’échec de l’approche répressive de la loi de 2003. Elles seront mieux protégées, mieux prises en charge.
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Le travail des magistrats devrait s’en trouver facilité. Cette inversion de la charge pénale leur permettra de disposer d’outils d’investigations approfondis dès lors que la nature du crime organisé aura été établie. La coopération des victimes renforcera cette panoplie de moyens mis en œuvre pour lutter contre les réseaux du proxénétisme, y compris lorsque ceux-ci prennent le chemin de l’internet en croyant masquer leurs activités.
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Des mises en œuvre qui ont anticipé les décrets d’application
Quelques jours seulement après le vote de la loi, le Ministre de la Justice français diffusait une circulaire à l’ensemble des parquets français invitant « les procureurs à tirer immédiatement toutes les conséquences de l'abrogation du délit de racolage et précisait les contours de la nouvelle infraction d'achat de service sexuel »
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Dès le mois de mai, le premier client était appréhendé dans le ressort de Guillaume Lescaux, procureur de Fontainebleau qui évoquait, auprès de la Fondation Scelles, la nécessité de mettre en œuvre une lutte globale avec également la mise en place des stages de « sensibilisation » auprès des clients. A ce jour, 249 clients ont d’ores et déjà été verbalisés.
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