C'est dans son ressort que le premier client de la prostitution a été appréhendé, le 1er mai 2016. Depuis, le procureur de Fontainebleau Guillaume Lescaux a renforcé le contrôle des clients sur son territoire. Rencontre.
Comment en êtes-vous venu à ces décisions ?
J'occupe cette fonction depuis janvier 2016. J'ai vite été amené à faire le constat qu'à chaque espace en forêt où les voitures peuvent stationner, une femme attend, déposée le matin et récupérée le soir. Fin 2015, on comptait 80 personnes prostituées dans le ressort de Fontainebleau. J'ai aussi entendu la demande de tous les partenaires rencontrés (préfecture, gendarmerie, élus locaux...). La prostitution est ressentie à la fois comme un drame humain, comme une "tâche" sur l'image de Fontainebleau et comme un problème environnemental.
Puis est intervenue l'entrée en vigueur de la loi sur le système prostitutionnel en avril 2016. J'ai donc mis en place un dispositif. Les personnes prises en flagrant délit sont invitées à suivre les policiers et on leur propose, à titre de sanction, de suivre un stage. Le législateur a prévu un stage spécifique qui n'est pas encore mis en oeuvre. Il s'agira donc d'un stage de citoyenneté, organisé pour tous types d'infractions.
Quelles poursuites encourent ces personnes ?
Au moment où je vous parle, trois personnes ont été verbalisées pour ces faits. Concrètement, elles sont poursuivies par ordonnance pénale. C'est-à-dire qu'elles ne comparaîtront pas en audience publique car je ne voulais pas d'une publicité stigmatisante. Ces personnes se verront notifier l'ordonnance pénale les enjoignant de faire un stage de citoyenneté dans les 6 mois sous peine d'une amende de 400 euros.
"Il faut être global..."
Envisagez-vous d'autres mesures ?
Pour moi, l'aspect pénal est une chose. Mais il faut être totalement global. J'ai pris contact avec la déléguée aux droits des femmes de la préfecture, qui doit être notre interlocuteur pour la mise en place du parcours de sortie de la prostitution. Je dois également rencontrer l'association Magdalena, une ONG confessionnelle qui propose un dispositif d'hébergement et de réinsertion dans mon ressort. Il faut que ces femmes retrouvent la dignité et la possibilité de vivre autrement. Magdalena est une petite structure au nombre de places limité. Mais si 1 ou 2 des 80 personnes prostituées de Fontainebleau y trouvent une aide, ce sera déjà une réussite.
Et en ce qui concerne les poursuites pour proxénétisme ?
Quelques enquêtes ont été menées par le passé par le commissariat de Fontainebleau. Des enquêtes complexes et sans véritable résultat. Les femmes sont, pour l'immense majorité, étrangères. Le contact est assez difficile. Elles sont dans une forme de peur. Il ne faut pas attendre qu'elles donnent des éléments d'une façon spontanée. Donc, pour monter un dossier de proxénétisme, il faut les suivre, mettre leur téléphone sous surveillance, mettre sur écoute les personnes qu'elles contactent... Ce sont des enquêtes extrêmement longues.
Pouvez-vous nous parler du stage de citoyenneté que vous utilisez ?
Il s'agit d'un stage pluridisciplinaire organisé par l'association de contrôle judiciaire de Melun. Les intervenants sont des délégués au procureur, anciens policiers et gendarmes. Le but est de rappeler les valeurs du vivre ensemble, les raisons de la loi pénale, avec une évaluation à la fin du stage. Aujourd'hui, aucun des contrevenants ne reconnaît les faits : ils se sont arrêté pour prendre l'air, une femme leur a fait des propositions... Il est donc important qu'ils aient un espace pour comprendre la question du rapport à l'autre. Le stage se déroule sur deux jours avec une participation financière de 180 euros, à la charge du contrevenant. Le stage est une alternative à une amende de 400 euros, un risque financier un peu motivant.
Comment pensez-vous évoluer vers un stage spécifique ?
J'ai pris contact avec le CIDF (Centre d'information des droits des femmes) de Seine-et-Marne qui serait intéressé. J'attends de voir si le décret va définir des modalités précises. Mais plusieurs problèmes se posent. Sur quelle volumétrie voulons-nous nous engager pour être crédible ? Si on monte un stage spécifique, se pose le problème de la distance : les clients qui font 100km pour voir une personne prostituée feront-ils 100 km pour faire un stage ? Et il y a la question du financement. La loi de finances n'a rien prévu. Si on fait venir plusieurs intervenants de qualité sur deux jours, 180 euros ne suffiront pas. Des crédits spécifiques seront nécessaires.
Qu'espérez-vous de ces procédures ?
Je ne me fais pas d'illusion. Cette politique systématique à Fontainebleau provoquera un refoulement vers d'autres endroits. Mais si chaque procureur a la même réaction, je pense que les femmes seront moins en danger.
Prostitution dans le ressort de Fontainebleau - Novembre 2015 80 personnes prostituées, dont 30 Roumaines, 17 Bulgares, 10 Camerounaises, 9 Nigérianes, 6 Françaises, 4 Albanaises, 2 Equatoriennes, 1 Polonaise Des femmes, pour la majorité, en situation régulière. Elles habitent dans des hôtels bon marché du département, font un séjour d'un ou deux mois, repartent 15 jours dans leur pays d'origine puis reviennent. L'idée, c'est de ne pas les fixer sur un territoire. L'argent est transféré au pays d'origine via Western Union. |
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