« Nous travaillons avec la Fondation Scelles car nous nous engageons sur les causes qu’elle défend, à savoir la lutte contre la traite des êtres humains » témoigne Maître Cédric Jacquelet du cabinet Proskauer Rose LLP « Le pro bono ne s’arrête pas à la gratuité : on défend véritablement une cause ». Comme d’autres associations engagées dans la défense des droits des femmes, la Fondation Scelles collabore avec des avocats afin de renforcer son action juridique grâce à un investissement pro bono de ces cabinets.
Le pro bono publico, littéralement « pour le bien public », consiste pour les avocats à fournir une aide juridique volontaire et gratuite à une personne, souvent une association (Voir fiche technique). Ainsi, un grand nombre de cabinets, souvent d’avocats d’affaires, ont fait du pro bono un élément à part entière de leur offre juridique. Le cabinet Proskauer Rose LLP se place donc fréquemment aux côtés de la Fondation Scelles en tant que partie civile dans des procès de proxénétisme. En 2017, Maître Beryl Brown a également contribué à apporter son expertise en tant qu’avocate pénaliste tout comme le cabinet Vigo grâce à l’aide de Maître Emmanuel Daoud.
>>> A lire :
Proskauer For Good : Combating Online Sex Trafficking Around the Globe
À travers le pro bono, les associations bénéficient d’une expertise juridique de haute qualité grâce à ces pointures du Barreau. D’autre part, les cabinets d’affaires profitent également d’une image positive pour leur firme. Les avocats peuvent ainsi renouer avec la défense des plus vulnérables, qui fonde historiquement l’essence même de leur profession, à l’image du bâtonnier Damien qui affirmait que l’avocat « exerce un ministère, une mission et non un métier »[1]. Si les années 1950 ont connu le passage de « l’avocat défenseur de la veuve et de l’orphelin » à « l’avocat au service du marché »[2], le pro bono permettrait peut être de rétablir la balance entre les deux. Certains sociologues y voient même une critique sociale du capitalisme.
Ces actions apparaissent attractives pour leurs clients, de plus en plus soucieux de promouvoir des comportements éthiques mais aussi directement pour les avocats eux-mêmes. « Le fait de se retrouver sur des dossiers pour faire autre chose que notre domaine d’expertise nous motive » atteste Maître Marine Roussel du cabinet Proskauer « Cela m’a permis de connaitre la réalité de la traite nigériane que je ne connaissais pas auparavant ».
Néanmoins, le pro bono présente également des limites certaines. « Pour ma part je suis très heureux de cette nouvelle tendance de diffusion du pro bono mais il serait malheureux qu’il conduise à un désengagement de l’Etat » confie Maître Jacquelet. Si les acteurs privés apparaissent de plus en plus impliqués dans des actions à visée non lucratives, ces missions doivent se faire en complément et non à la place des pouvoirs publics.
L’accès à la justice et la défense des droits des femmes doivent s’imposer comme une priorité. Or aujourd’hui cette protection souffre d’un manque cruel de moyens. Si les violences faites aux femmes engendrent pour la société un coût estimé à 2,5 milliards d’euros, le programme « Egalité entre les femmes et les hommes » du ministère des Droits des femmes ne dispose lui que d’un budget de 27 millions d’euros[3]. Les failles de l’aide juridictionnelle pour les personnes physiques ayant de faibles ressources économiques sont également criantes à l’heure où 7 Français sur 10 considèrent que l’accès à la justice est de plus en plus compliqué[4].
Pour que le slogan de la Fondation Scelles « Connaître, comprendre, combattre l’exploitation sexuelle » soit effectif, il convient donc d’impliquer l’ensemble des acteurs dans cette lutte. La justice dispose ainsi d’un rôle primordial qui ne peut être délégué à d’autres acteurs privés. En effet, le pro bono ne peut pas tout, d’autant plus lorsque les cabinets d’avocats d’affaires peuvent se retrouver pris dans des conflits d’intérêts. Dès lors il devient compliqué pour des cabinets d’affaires, qui comptent parfois dans leurs clients de grandes entreprises du web, de défendre les deux parties.
La lutte contre l’exploitation sexuelle doit donc se faire en passant par l’implication de l’ensemble des acteurs, publics comme privés, y compris des entreprises et grands groupes industriels. L’ensemble des personnes publiques et privées sont concernées par ce qui constitue bien un choix de société : la lutte constante contre toute forme de violence à l’encontre des femmes.
[1] Lilly Diener, « Avocats des Droits de l’Homme : la pratique du pro bono en France », in Les cahiers de la justice, 2016/1
[2] Ibid
[4]https://www.affiches-parisiennes.com/les-francais-jugent-l-acces-au-droit-insuffisant-9080.html?fbclid=IwAR2GNbngEvqbNZjPeOrimt-PqfWaeLDR-Tctzg6d_1UeY16Z_1HKRmeEDac