Par Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH,
Le 14 mai 2014, après quatre ans de travaux menés en partenariat avec les associations spécialistes de la question, le conseil des ministres a adopté un Plan d'action national contre la traite des êtres humains. Ce Plan a fait l'objet d'une annonce par le Président de la République. Il comporte une série d'engagements visant à améliorer l'identification et l'accompagnement des victimes ainsi que la poursuite des auteurs. Il appelle à la mise en œuvre d'une véritable politique publique pour lutter contre la traite, et, dans ce cadre, confie à la CNCDH, autorité administrative indépendante, le mandat de Rapporteur national chargé notamment de collecter des données et d'évaluer les politiques publiques.
Ce Plan s'inscrit dans la mise en œuvre des textes adoptés en Europe, et en particulier la directive européenne de 2011 qui fait de la lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains une priorité européenne. Il s'inscrit également dans le sillage de la Convention du Conseil de l'Europe de 2005, dite « Convention de Varsovie », et des travaux du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite (GRETA).
Les travaux de la CNCDH, et en particulier la très importante étude publiée en 2010 sur le sujet, ont révélé que la traite et l'exploitation sont des phénomènes souterrains qui couvrent des réalités diverses que seule une politique engagée, volontariste et globale pourra endiguer. Pour la mener à bien, il est impératif d'appréhender ces phénomènes complexes, d'en mettre au jour les ressorts, et d'évaluer les moyens mis en œuvre pour lutter contre la traite et l'exploitation des êtres humains.
Ce nouveau mandat entre en parfaite résonnance avec le rôle d'Institution nationale des droits de l'homme, accréditée par les Nations unies, dévolue à la CNCDH. Les institutions homologues de la CNCDH se voient également progressivement confier un mandat identique et des opportunités de collaboration à l'échelle européenne sur ce sujet vont rapidement pouvoir se réaliser.
Dans cette perspective, la CNCDH a lancé une vaste consultation de la société civile (ONG, syndicats, personnalités qualifiées) impliquée dans la lutte contre la traite ou l'aide aux victimes de la traite et de l'exploitation. Cette consultation a été élargie aux institutions travaillant sur ce sujet. Elle a eu pour objectif de définir les priorités pour ce mandat et de bâtir les fondements de l'analyse et de l'évaluation des politiques publiques.
La CNCDH va poursuivre ce dialogue, afin de saisir les différentes facettes du phénomène et les obstacles rencontrés par les acteurs de la lutte contre la traite, et produire son premier Rapport national sur ce sujet à l'automne 2015 pour le présenter lors de la rencontre à Bruxelles du Réseau européen des rapporteurs nationaux sur la traite des êtres humains.
Par son approche universaliste et intégrée des droits de l'homme, la CNCDH entend développer une connaissance approfondie de la traite et de l'exploitation sous toutes leurs formes : exploitation sexuelle, traite des mineurs, servitude domestique, exploitation de la mendicité et de la délinquance, exploitation à des fins économiques... Cette connaissance lui permettra de mettre en place des outils d'évaluation pertinents des actions conduites pour lutter contre ces phénomènes.
La problématique de la traite et de l'exploitation des êtres humains est d'une acuité et d'une actualité telles que le Prix Nobel de la paix 2014 a été décerné à Kailash Satyarthi pour son combat contre la traite et le travail forcé des enfants.
Les enjeux humains, sociaux, sociétaux, économiques et politiques étant considérables, la CNCDH entend participer, en partenariat étroit avec l'ensemble des ONG militantes sur cette question, à rendre plus efficace la politique de lutte contre la traite, et ce dans l'intérêt des victimes actuelles comme de toutes les victimes potentielles.