Depuis quelques semaines, la France fait face à une situation sans précédent. Durant cette période de confinement, l’urgence de la prise en charge des victimes de violences sexuelles est devenue évidente. Nous saluons à ce propos les mesures d’urgence déjà appliquées, notamment pour protéger les victimes de violence domestique et celles qui ont été prises pour prolonger les droits au séjour et les parcours de sortie.
Nous demandons :
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Selon les médias, l’activité des camgirls aurait explosé depuis le début du confinement lié aux mesures sanitaires du Covid-19. Quelle est la réalité de cette activité qui impacte prioritairement des femmes et des jeunes filles ? >>> LIRE
Avec la propagation du virus Covid-19, le gouvernement français a décrété l'état d'urgence sanitaire, en appelant l'ensemble de la population à rester chez elle. La Fondation Scelles souhaite faire part de ses préoccupations quant aux répercussions d'un confinement prolongé qui touche en premier lieu les victimes d'exploitation sexuelle.
En plus d'être exposées quotidiennement à l'abus sexuel avec les risques psychologiques et physiques considérables aux séquelles souvent irréversibles, les personnes en situation de prostitution sont désormais exposées à un virus potentiellement mortel. Nous pouvons également craindre le fait que certaines personnes en situation de prostitution se retrouvent enfermées avec leur proxénète et que les pressions exercées par ces derniers atteignent leur paroxysme.
Depuis plusieurs années, la Fondation Scelles alerte sur l'expansion numérique de la prostitution. Nous constatons aujourd'hui que les acteurs de l'exploitation sexuelle numérique prennent avantage de la situationi sans être réellement inquiétés. Nous reconnaissons la responsabilité des prostitueurs dans le maintien du système prostitutionnel et nous souhaitons rappeler que cette responsabilité s'étend dans le domaine du numérique. Ce sont peut-être des images sur un écran, mais ce ne sont pas des fantasmes : des femmes sont véritablement exploitées pour produire ces images par une industrie qui en tire véritablement des profits financiers considérables.
La Fondation Scelles est également préoccupée par les répercussions économiques du Covid-19 pour les femmes. Si la demande de prostitution est le véhicule du système prostitutionnel, ses victimes sont en premier lieu les femmes et filles vulnérabilisées, la vulnérabilité économique étant un facteur prépondérant et aggravant.
L'ensemble de l'équipe souhaite rappeler qu'elle reste mobilisée lors de cette période, en restant fidèle à ses mots d'ordre « Connaître, comprendre, combattre l'exploitation sexuelle ». Nous espérons que cette période de quarantaine servira à rappeler aux prostitueurs fréquents qu'on ne meurt pas de ne pas prostituer mais que le contraire est vrai.
-C’est pas possible y’a bien un truc qui vous fait soulager quand même.
-Ah tiens, voilà ce qui pourrait me soulager.
[Des femmes passent dans la rue. La caméra zoome sur leurs fesses.]
-Ah bah ça, on est tous malades à ce niveau là. Je suis peut-être même plus malade que vous.
Extrait du film Intouchables (2011) d’Eric Tolédano et Olivier Nakache
Scène du film Intouchables (2011) (Capture d’écran https://www.youtube.com/watch?v=p9i_KZ5K9Nw )
Le film Intouchables reprend l’histoire vraie de Philippe Pozzo di Borgo richissime tétraplégique interprété par François Cluzet et de son assistant fauché Abdel Yasmin Sellou, joué par Omar Sy. Un vrai « feel-good movie » franchouillard, le film a été brandi comme un manifeste antiraciste de fraternelle solidarité, un exemple touchant d’hommes qui s’unissent malgré le fossé d’inégalités qui les séparent. Solidarité fraternelle justement car les femmes ne bénéficient pas de la même bienveillance. Dans une scène du film, le personnage d’Omar Sy offre un « petit cadeau » à son cher ami : deux femmes prostituées asiatiques venues masser les oreilles de l’un avec peut-être « happy end » pour l’autre[i].
Ailleurs, des parents s’affichent tout sourire : « J’ai appris à Hugo à se masturber à l’âge de 12 ans»[ii]. Que c’est mignon. Il suffit d’être en situation de handicap pour que les mots « inceste » et « abus sexuel (de mineur.e.s) » disparaissent. Vous subissiez déjà des discriminations structurelles à cause du manque de moyens étatiques ? Très bien maintenant vous subirez aussi du manque de protection de votre sexualité au seul motif de votre handicap.
Un énième débat sur la notion d’ « assistanat sexuel » est l’occasion de rappeler que cette pratique est discriminatoire aussi bien pour les personnes en situation de handicap que pour les « assistants » mais surtout les « assistantes sexuelles ». La notion renforce la perception des personnes en situation de handicap comme des individus assistés en réduisant leur autonomie jusque dans leur sexualité. Elle permet de plus d’instrumentaliser ces personnes pour normaliser la prostitution. Le tout dénote une vision assez négative de la sexualité, à subir, offrir, marchander mais jamais à désirer. >>>
Image tirée du site Paroles de clients (https://prostitueurs.tumblr.com/).
Si les nouvelles technologies sont de formidables outils au quotidien, les médias traditionnels soulignent de plus en plus les abus qui peuvent en être fait. Par exemple, la diffusion en direct de la tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande a soulevé la question de la responsabilité des réseaux sociaux dans la diffusion d’images d’actes de violence. Mais il y a des actes de violence qui ne sont pas perçus comme tels et qui ne sont donc pas médiatisés comme ils le devraient : il s’agit des actes de violences prostitutionnels qui se sont intensifiés et démultipliés à l’aide des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les véritables détenteurs du choix dans la prostitution, les hommes, qu’ils soient du côté de la demande et donc clients-prostitueurs ou du côté de l’offre et donc proxénètes, en profitent pleinement. >>>