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Non au « Baby Business » : le Comité Consultatif National d’Ethique réaffirme sa position pour la prohibition de la GPA

Dès 2010, le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé) rendait un avis négatif sur l’autorisation de la pratique de la GPA en France, en rappelant qu’elle pouvait porter atteinte à l’intégrité des « mères porteuses » et qu’il ne pouvait y avoir de « droit à l’enfant » dans ces conditions. 7 ans après, alors que la pression pour l’autorisation de cette pratique se fait plus vive, le CCNE réaffirme qu’il ne peut y avoir une GPA éthique, qu’il faut donc renforcer sa prohibition, et réclame l’élaboration d’une convention internationale allant dans ce sens. Frédérique Kuttenn, membre du Comité Consultatif National d’Ethique,  précise, pour la Fondation Scelles, la position et les arguments de cette institution.

 

 Statut Juridique de la GPA dans le monde (2015)

la GPA dans le Monde

Par Fobos92 — Travail personnelLA GESTACIÓN SUBROGADA EN EL MUNDO

 

Pouvez-vous nous préciser pourquoi le CCNE a réaffirmé un avis négatif à l’autorisation de la pratique de la GPA en France ?

 

La GPA implique de nombreux acteurs : d'une part, les parents d'intention, la mère porteuse, éventuellement la donneuse d'ovocytes et l'enfant, et d'autre part, les intermédiaires, qui sont les grands bénéficiaires de cette pratique.

 

Ce marché transnational et ces intermédiaires s'appuient sur le développement des moyens de communication, l'extension d'internet, et est encadré par des agences incluant des spécialistes médicaux, mais aussi des assureurs, des juristes, des avocats, des banques. Les enjeux financiers sont considérables créant un « tourisme procréatif », les parents d'intention se déplaçant jusque dans les pays où la GPA coûte moins cher ou dans lesquels les mères porteuses sont moins protégées.

 

Certains veulent voir dans la GPA un moyen pour les femmes en situation de précarité d'accéder, en étant mères porteuses, à des revenus auxquels elles n’auraient pas eu accès sans cela. Devrait alors se poser la question fondamentale de l’exploitation organisée de populations pauvres, dans des pays qui n'ont pas les moyens de résister au rêve de la mondialisation, et de choisir plutôt de développer et favoriser des stratégies de commerce équitable dans des domaines de production autres que ceux touchant à la procréation et à la gestation pour autrui.

 

Qui sont les victimes de ce « baby business » ?

 

Elles sont multiples. On peut commencer par les mères porteuses.

Les mères porteuses, parce qu’elles sont victimes de multiples violences :

- Juridiques, car sans possibilité de discuter les termes du contrat. Les agences font signer des contrats aux parents demandeurs, et leur proposent des mères porteuses sur catalogue. Dans les pays d'Asie du Sud-Est, il est peu tenu compte des conditions de vie, pour ne pas dire de survie, des femmes. Dans d’autres pays comme les Etats-Unis ou la Grande­Bretagne, les contrats sont assez contraignants.

- Economiques : pas de dédommagement en cas de fausse-couche, ou de secours à la famille en cas de décès.

- Médicales avec des manquements graves aux bonnes pratiques, et non respect des libertés fondamentales :

  • poursuite d'une grossesse malgré des problèmes de santé,
  • absence de la liberté d'interruption de grossesse, que les raisons soient personnelles ou de santé,
  • inductions de grossesses multiples, éventuellement suivies de réductions embryonnaires,
  • obligation éventuelle d'une césarienne non nécessitée par des problèmes d'accouchement.

- Psychiques : éloignement de leur famille ; retrait à la naissance de l'enfant porté.

 

Ces violences ne semblent pas prises en compte, elles paraissent invisibles pour les parents d'intention ou les promoteurs de GPA.

 

Ces contraintes ne sont-elles pas une atteinte à la liberté des victimes ?

 

On peut en effet parler de contrainte lorsque la gestatrice doit renoncer par contrat à certaines de ses libertés (liberté de mouvement, de vie de famille, soins indispensables à sa santé).

On peut parler de contrainte lorsque le contrat conduit à organiser juridiquement le transfert du corps de l’enfant aux parents d’intention.

 

Or, la personne humaine, ici celle de l'enfant, ne peut pas être l'objet d'actes de disposition, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation de l'enfant ?

 

II a une position d'objet, qui plus est d'objet marchand. Il est l'objet d’un contrat.

 

Or, qu'advient-il si l'enfant est handicapé ? Ou si entre temps, les parents commanditaires se sont séparés ? L'enfant est alors ‘au mieux’ remis à un orphelinat ou une agence d'adoption.

 

Les risques psychiques pour l'enfant lui-même sont grandement sous-estimés. Il est impératif de ne pas cacher à cet enfant, qui a besoin de vérité et de transparence, ses origines et le processus suivi par ses parents d'intention. Comment analysera-t-il le fait d'avoir été l'objet d'un contrat financier? Risque-t-il de demander des comptes à l'adolescence ?

 

La multiplications des disjonctions conduit l’enfant à construire l'unité de son identité en intégrant parfois jusqu'à 5 personnes intervenues dans sa conception, la gestation, sa naissance, son éducation.

 

Que se passe-t-il pour les enfants nés par GPA à l’étranger et leur possibilité d’accueil en France ?

 

La GPA est interdite en France comme dans une majorité de pays européens. Mais certains pays l'autorisent ou la tolèrent.

 

La Commission Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a fait valoir l’importance pour chacun de pouvoir établir les éléments de son identité, ce qui inclut la filiation et la nationalité.

 

A condition de revenir de l'étranger avec un état-civil probant, c’est-à-dire conforme à la réalité, en mentionnant le père biologique français et la mère porteuse, cet état-civil peut être transcrit en France, et un Certificat de Nationalité française attribué (donnant droit à un passeport et une carte d'identité). Ces enfants ne sont donc pas « les fantômes de la République», comme certains les ont présentés.

 

Pour le 2ème parent d'intention, sans lien biologique avec l’enfant, le Rapport du Sénat de février 2016 a suggéré que lui soit accordé une « délégation d'autorité parentale ». Cette situation est conforme à la réalité de ses origines et satisfait 3 conditions : la reconnaissance de la filiation biologique paternelle, une situation légale pour l'autre parent d'intention, l'acquisition de la nationalité française pour l'enfant (du fait de la filiation paternelle). La CEDH ne devrait donc plus voir dans cette situation un risque d'atteinte à la vie privée de l'enfant.

 

Que faut-il retenir ?

 

-       Le CCNE reste attaché aux principes invoqués par le législateur, qui justifient la prohibition de la GPA: le respect de la personne humaine, le refus de l'exploitation de la femme, le refus de la réification de l'enfant, l’indisponibilité du corps humain et de la personne humaine : il ne peut y avoir de GPA éthique.

-       Le CCNE souhaite le maintien et le renforcement de sa prohibition, quelles que soient les motivations, médicales ou sociétales, des demandeurs.

-       Le CCNE est favorable à l'élaboration d'une convention internationale pour l'interdiction de la GPA, dans le même sens que le rapport d’information remis à la présidence du Sénat le 17 février 2016. Il recommande l’engagement de négociations internationales, multilatérales allant dans ce sens.

-       Concernant la reconnaissance de la filiation d'un enfant né par GPA à l'étranger, lorsqu'elle est établie par un état civil probant (conforme à la réalité) avec une filiation biologique avec au moins l'un des parents français, le CCNE soutient le choix de la délégation d'autorité parentale en faveur du parent d'intention n'ayant pas de lien biologique avec l'enfant, car elle respecte la réalité des conditions de sa naissance.

-       Il recommande par ailleurs que l’état civil des enfants garde la trace et le nom de tous les intervenants à la convention de gestation et que les enfants aient accès au contrat qui a permis leur naissance, aux fins de pouvoir « construire leur identité » et reconstituer l'ensemble de leur histoire.

 

Le CCNE

Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé a pour objet d’éclairer les progrès de la science, de soulever des enjeux de société nouveaux et de poser un regard éthique sur ces évolutions… Sa mission s’inscrit au cœur des débats de société. Le CCNE stimule sans cesse la réflexion sur la bioéthique en contribuant à alimenter des débats contradictoires au sein de la société sans jamais la confisquer. Depuis 2011 le CCNE s'est vu conférer par le législateur de nouvelles missions dans l'organisation du débat public.
http://www.ccne-ethique.fr

 

Frédérique Kuttenn

Frédérique KuttennFrédérique Kuttenn est Professeure Emérite à l’Université René Descartes-Paris V.

Présidente du Collège National des Enseignants Universitaires de Gynécologie Médicale (CNEGM).

Membre du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). Rapporteur du Groupe de Travail du CCNE sur « les Demandes sociétales de recours aux techniques d’Aide Médicale à la Procréation (AMP) ».

Expert à l’Agence du Médicament (ANSM – Groupe : Diabète-Endocrino-Uro-Gynécologie).

Ex-Directeur du CECOS de Necker (1991-2006).

Ex-chef du service d’Endocrinologie de la Reproduction à l’Hôpital Necker-Enfants Malades (1994-2006), puis à la Pitié-Salpêtrière (2006-2010). PU-PH Consultant d’Endocrinologie 2010-2013.

 

Yves Charpenel, Président de la Fondation Scelles et Premier Avocat général à la Cour de Cassation est également membre du CCNE.

 

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