La mondialisation se caractérise par une interconnexion entre les individus, les institutions, les lieux et les sociétés, à l'échelle planétaire, à travers une intensification croissante des échanges de biens et de personnes. Cette intensification des flux entre les territoires a engendré un tourisme de masse qui, en dehors des épisodes de pandémie, n'a cessé de s'accroître.
Si de nombreuses personnes voyagent pour se reposer ou découvrir de nouvelles cultures, une relation complexe s'est développée entre le tourisme et la prostitution alimenté notamment par le sexisme, le néocolonialisme et un certain sentiment de supériorité lié à la richesse au regard d'une pauvreté endémique dans certains pays du sud global dont ont su profiter les réseaux d'exploitation pédocriminels. Ces dynamiques ont engendré une augmentation de la demande prostitutionnelle de la part de certains touristes, souvent justifiée par le prétexte "d'aider les populations pauvres" ou de "découvrir de nouvelles pratiques culturelles". Il convient de préciser ici que cette pratique est avant tout le fait d'hommes occidentaux, plus ou moins aisés, qui visent des femmes autochtones et plus pauvres ( même si le tourisme sexuel se pratique aussi dans une moindre mesure au niveau intranational). Une telle homogénéité dans leur profil soulève d'ailleurs plusieurs points qui seront détaillés plus loin. Enfin, ce marché génère des profits considérables pour différents acteurs, tels que des agences de voyages occidentales ou des réseaux de prostitution dans les pays d'accueil, au détriment des nombreuses femmes et jeunes filles contraintes de s'y soumettre.
Revenons sur quelques points-clefs qui ont permis le développement de cette pratique. A l'origine de nombreux lieux de prostitution se sont developpés lors de la colonisation où les colons créaient des maison closes pour "divertir les militaires" . Plus tard, un phénomène similaire est apparu près des zones de repos des soldats américains lors des guerres de Corée et du Vietnam. En effet, ces derniers représentaient une forte demande d'actes sexuels, ce qui a poussé des proxènètes à créer des infrastructures dédiées dans ces territoires.
Enfin de nos jours, l'intensification de la mondialisation a conduit à l'essor du tourisme de masse, grâce à des législations facilitant les déplacements (comme l'espace Schengen) et à l'amélioration des infrastructures de transport (offrant davantage de destinations, plus rapidement et à moindre coût). En 2012, sur un milliard de touristes internationaux, on estime que 10 % choisissent leur destination en fonction de l'offre prostitutionnelle locale . Il convient également de préciser qu'au-delà des femmes, se sont aussi de nombreuses filles qui se retrouvent dans ces réseaux pour répondre à la demande des touristes. Elles sont souvent en situation de rupture familiale, isolées, déscolarisées, et dans des situations précaires, ce qui les rend davantage manipulables pour les proxénètes.
Par ailleurs, la diversité des législations nationales et de leurs modalités d'application ont servi de tremplin à cette exploitation. Dans les pays ayant adopté un modèle réglementariste, la prostitution est traitée comme un métier ordinaire : l'achat, la vente d'actes sexuels et le proxénétisme y sont légaux. Ces pratiques sont encadrées par l'État, qui perçoit une part des revenus générés. Par exemple, en Allemagne, la prostitution rapporte environ 14,6 milliards d'euros par an à l'État , soit plus que le PIB de la Macédoine, estimé à 13,8 milliards d'euros en 2021 .
Néanmoins, l'appât du gain attire également les groupes criminels et les réseaux de prostitution quelque soit le modèle législatif en place, que la prostitution soit interdite (prohibitionnisme) ou que seul le proxénétisme soit criminalisé. Dans ces systèmes législatifs, les réseaux opèrent de manière informelle. Ainsi, la corruption des forces de l'ordre qui bat son plein et l'absence de coopération internationale entretiennent ce commerce lucratif pour les réseaux de prostitution et l'économie locale au détriment des victimes.
Cela nous amène à examiner un autre point concernant les destinations privilégiées par les touristes sexuels. Au-delà de l'influence des législations en place, le choix des destinations s'effectue également suivant le concept « d'imaginaire géographique », qui permet aussi d'éclairer le profil-type de ces clients prostitueurs. Celui-ci renvoie à « l'ensemble des représentations d'autres lieux, paysages, peuples ou cultures mais aussi, (...) les manières dont de telles représentations projettent les désirs, les fantasmes et les valeurs de leurs auteurs ainsi que les rapports de pouvoir entre eux et les objets décrits » .
>>> EN savoir plus : "Lois extraterritoriales en matière de tourisme sexuel impliquant des enfants"
Ainsi, les clients choisissent leurs destinations en fonction de l'image qu'ils ont de ces endroits et de leurs habitantes ( femmes et filles). Ils s'appuient sur des stéréotypes liés à l'apparence physique (peu de pilosité, formes généreuses) ou au comportement supposé (docilité, sexualité débridée), ainsi qu'au statut qu'ils pensent y acquérir. Les régions comme l'Asie, l'Amérique latine, les Caraïbes et l'Afrique sont particulièrement prisées, car elles incarnent, selon eux, un idéal d'« exotisme » montrant ainsi le caractère raciste qui anime ces "prostitueurs".
Ces représentations sont également empreintes de sexisme et de néo-colonialisme. En effet, beaucoup de ces hommes rejettent l'indépendance acquise par les femmes occidentales, perçues comme plus difficiles. En réaction, ils se tournent vers des femmes dites « de couleur », issues de pays considérés comme plus traditionnels ou des communautés les plus discriminées, espérant y retrouver un certain statut et des privilèges. Ils partent du principe qu'en tant qu'hommes, et surtout en tant qu'Occidentaux, ils bénéficieront d'une position dominante sur les femmes locales. Ces idées reposent ainsi largement sur des stéréotypes hérités de l'époque coloniale. Cela reflète une logique de possession et de consommation des « ressources locales » : nourriture, paysages, culture, et, malheureusement, corps des femmes.
En conclusion, le tourisme sexuel illustre une domination multiple : fondée sur le genre, l'économie, l'ethnie et les imaginaires géographiques. Pour ces hommes, il s'agit avant tout d'un moyen de réaffirmer leur contrôle sur les femmes les plus vulnérables et sur ce qu'elles symbolisent. Cette pratique, loin d'être marginale, est alimentée par des législations permissives et un réseau complice attiré par les profits colossaux qu'elle génère. Le processus repose sur les dynamiques capitalistes, au détriment du bien-être de nombreuses femmes et filles à travers le monde. Pour lutter efficacement contre ce fléau, il est impératif de s'attaquer à sa racine : la demande. Cela passe par des politiques rigoureuses visant à responsabiliser les clients, ainsi que par une coopération internationale pour démanteler les réseaux qui en tirent profit. Parallèlement, il est essentiel de promouvoir l'égalité des genres et de lutter contre les imaginaires stéréotypés qui légitiment ce type d'exploitation. Seule une approche globale, intégrant des mesures économiques, juridiques et culturelles, permettra de réduire l'impact dévastateur du tourisme sexuel sur les femmes et les filles à travers le monde.
Emilie BATHILY
Le point commun entre les accusés de viols au procès de Dominique Pélicot et les prostitueurs « acheteurs d'actes sexuels » qui défilent aux stages : une vision utilitariste de la femme réduite peu ou prou au statut d'objet de leur plaisir sexuel. Gare à elles si elles s'émancipent, répondent, disent Non... Ils les veulent soumises, sans autorité ni pouvoir, « consentantes »-bâillonnées par le chantage économique et/ou la chimie des drogues. Silencieuses, mortes, faisant semblant d'aimer ça. De gré ou de force.
Quand un des accusés, s'adressant au Président du tribunal, dit : « Vous savez, le mariage, c'est comme un CDI... Et comme dans tout CDI, on a droit à des congés annuels », ici, au même moment, un prostituteur raconte que sa compagne lui a dit non deux fois en deux jours et que donc il s'est vengé en allant solliciter une femme en situation de prostitution. Un autre nous dit qu'il a fait toutes les « copines » de son répertoire, un soir, et comme il « avait envie », et qu'aucune n'était disponible, il est allé sur un site pour en « commander une ».
Les mêmes. La même vision. La même construction. La même attitude. Les mêmes mépris. Les mêmes prétextes. Déresponsabilisés. Victimes d'eux-mêmes, de la société, du gouvernement, de leurs pseudo besoins irrépressibles, de leur stupidité bien commode (« j'ai pas réfléchi »), des femmes... De l'empathie pour eux-mêmes et c'est à peu près tout.
Ce qui s'échange à Mazan en fait plus que toutes les campagnes de communication contre les violences sexuelles : assez de cette culture du viol entretenue, de ces délires fictionnels des hommes en recherche de leur seule satisfaction éjaculatoire.
Alors nous entendons déjà la face sombre des mâles prendre la mouche et lancer à la volée des : « toutes des Gisèles... » : Non ! Tous des violeurs : Certainement. Il est grand temps d'inverser la charge de la honte. Ce qui compte, ce ne sont pas les interrogations autour du crop-top, du vernis à ongles ou des photos de Gisèle en maillot. Le poids des violences ne doit reposer que sur ceux qui les ont perpétrés. Personne ne les a poussés à les commettre. Elles méritent sanctions pour leurs auteurs et réparations pour leurs victimes, à la hauteur des préjudices subis.
Maintenant, ça suffit.
Il y a 10 ans, le 4 septembre 2014, 2 ans avant la loi Olivier-Coutelle, Rosen Hicher, co-fondatrice du Mouvement des Survivantes en France avec Laurence Noëlle, Nathalie, Véronique, Myriam, Marie, s’élançait à pied de Saintes jusqu’à Paris. 743kms en 34 étapes pour attirer l’attention des politiques, des médias, de la société, sur les réalités de la violence prostitutionnelle, contre les stéréotypes et les approximations véhiculés. Contre l’idée qu’il faudrait seulement combattre le proxénétisme parce que la prostitution serait impossible à arrêter. Contre la manie de faire peser la responsabilité de la prostitution sur les femmes prostituées. Pour que les services sociaux soient plus réactifs pour venir en aide aux femmes en détresse parce qu’après le passage à l’acte, il est déjà trop tard. Contre l’impunité des « clients » prostitueurs parce que sans demande, plus de prostitution. Pour changer les regards et faire réfléchir sur la gravité de l’achat d’un acte sexuel et ses conséquences pour les femmes en situation de prostitution. « La prostitution, ce n’est pas une idée qui arrive comme ça. Parce qu'en fait on est tellement cassée par la vie, brisée par les autres, dans une situation financière fragilisée. Moi je croyais y voir une forme de vengeance, de revanche, un moyen d’effacer mes dettes, ce qui était une mauvaise appréciation en réalité. C’est bien mon propre passé qui m’a conduit là-dedans ».
« Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port »
Partie seule ou presque de Saintes en Charente-Maritime, Rosen a entraîné dans son sillage des amiEs, des abolitionnistes convaincues, des comédiennes, des journalistes, des politiques, des survivantes, des victimes de violences sexuelles, de violences conjugales, des femmes dans la prostitution, des militantes, des personnes qui ne s’intéressaient pas du tout à ces questions, des hommes aussi, jusqu’à son arrivée à Paris, le 12 octobre 2014, où l’attendait une foule dense et motivée. « Je marche avec Rosen » était devenu un slogan, des t-shirts, un blog, des articles de presse, des télés, des rencontres avec des éluEs. La voix des survivantes en faveur d’une loi de lutte contre le système prostitutionnel était enfin entendue.
Accompagnée au départ par Catherine Tissier qui a fait de cette marche un documentaire « Rosen en marche pour l’abolition », par Luc, ami fidèle pour le soutien et pour l’intendance qui suivait avec la camionnette, par Michel, un autre accompagnateur, (le frère jumeau adoré parti quelques mois avant la marche s’appelait Michel, le 1er « client » prostitueur aussi), elle marche. Premier message à faire passer auprès des médias pour Rosen : « Dès le premier, tu es dans un engrenage. C’est trop tard, tu es passée de l’autre côté du mur et c’est très difficile de le repasser en sens inverse ou de le faire s’effondrer. Il faut que les services sociaux réagissent tout de suite, en amont, pour éviter ces situations ». 2eme message : alerter sur le fait que la prostitution, dès 2014, n’était déjà plus seulement une prostitution de rue mais que les annonces dans les journaux gratuits, les bars à hôtesses, les appartements et maisons closes clandestines, il y en avait déjà partout en France et que tu pouvais très vite te retrouver, « tomber », en situation de prostitution… Saintes, La Rochelle, Niort, Poitiers, Châteauroux, Issoudun, Vierzon, Romorantin, Blois, Orléans, Etampes, Villejuif, Paris… Partout. Très rapidement.
La Cagnotte mise en place par Osez le Féminisme pour aider Rosen a permis de financer une partie de la marche. Eva Darlan à Blois, Blandine Métayer à Paris, les personnalités ont répondu présentes. Catherine Coutelle, Laurence Rossignol, Maud Olivier, Danielle Bousquet étaient de la partie aussi. Patric Jean, réalisateur du documentaire : « La Domination Masculine » est également venu accompagner Rosen.
L’engouement a mis un peu de temps à venir. Et puis les articles de presse et les rendez-vous médiatiques se sont multipliés, le buzz a fait le reste.Pour Rosen, « les gens se demandaient au début qui était cette « zinzin » qui marchait pour dénoncer la violence prostitutionnelle des proxénètes, des « clients », de la société tout entière, le manque d’aide et de ressources… L’essentiel au fond est que cette marche et ces rendez-vous ont permis aux gens, aux éluEs de réfléchir…Réfléchir sur la gravité de cette violence, sur le fait qu’il n’est pas du tout naturel pour une femme d’en arriver là, qu’il y a des raisons et que ce sont ces raisons qu’il faut combattre ». Dans sa tête, dans son imaginaire, tout le monde connaissait le sujet de la prostitution. « Mais il faut voir les bêtises que j’ai entendues sur le trajet. Ça m’a permis aussi de comprendre l’importance d’expliquer aux gens, de dire ce que nous, les survivantes, nous avons subi, de parler des différences entre les discours qu’on tient quand on est dedans et quand on est plus dedans pour qu’ils comprennent, qu’ils puissent y réfléchir disons un peu plus sérieusement. Même si ça met plusieurs années, à un moment, le ‘tilt’ arrive. Parce que moi aussi, j’étais soi-disant « libre ». Mais quand tu rembobines, tu comprends le poids du passé, du vécu, des traumas, des violences familiales, sexuelles ».
>> Le blog de la Marche de Rosen en 2014
>> L’article paru dans Le Monde le 9 octobre 2014
Une survivante, des survivantes, des engagements
C’était en janvier 2013, quand le bureau national du Mouvement du Nid a mis en relation des survivantes de la prostitution entre elles que le mouvement des survivantes est né. C’est difficile pour une survivante de prendre la parole publiquement avec ce que cela implique pour elle, pour son entourage, pour la violence de l’opposition et des menaces que cela entraîne.
De nombreuses femmes sont venues échanger avec Rosen pendant la marche : « Je viens vous parler mais je veux rester dans l’anonymat… Je ne veux pas qu’on sache que je suis ou que j’ai été en situation de prostitution, que mon compagnon me bat… Tu voyais bien qu’il y avait un lien très étroit entre toutes ces violences subies par des femmes ».
Rosen a fait d’autres Marches ensuite pour l’abolition de la prostitution, de Strasbourg à Mayence, en Belgique, vers la Suisse. Elle a multiplié les interventions sur les plateaux télé, les prises de paroles dans les colloques en France, à l’international avec la Coalition pour l’Abolition de la Prostitution, en Inde, en Allemagne, en Espagne. Rosen a rencontré énormément de survivantes. De tous les pays et dans toutes les langues. Mais avec une certaine universalité des discours : Partout les mêmes constats d’une violence sans nom, la nécessité d’adopter un modèle qui protège, permet de quitter la prostitution, de lutter contre les vulnérabilités, de pénaliser les proxénètes et les réseaux, de lutter contre la demande, de sensibiliser les individus. Les marches pour l’abolition ont fait d’autres petits. Les survivantes venues du monde entier étaient plusieurs centaines à Montréal en juin dernier pour réclamer cette abolition. Le mouvement grandit. S’étoffe. Rosen témoignait très récemment dans les podcasts de « La Vie en Rouge » aux côtés d’autres survivantes pour redire encore et témoigner toujours.
« Je ne suis pas rentrée dans ce mouvement sans certitudes, je ne voulais pas accuser comme ça. Donc je suis allée me renseigner auprès de ma famille, de mon entourage proche, de mes amies sur ces réalités. Pour être sûre que ce n’était pas mon imaginaire seulement. Je pensais être une des seules. Mais là, je me suis rendu compte qu'en fait je n’étais pas du tout la seule, que je faisais partie d’une grande communauté de femmes qui avaient vécu et analysé plus ou moins les mêmes choses ».
La pénalisation des « clients »
Déjà en 2014, ce qui bloquait les gens, ce qui provoquait le plus d’incompréhension et de vociférations face au discours de Rosen, c’était la pénalisation des « clients ». « Ils ne comprenaient pas ou ne voulaient pas comprendre que si des femmes étaient mises sur les trottoirs, c’est parce qu’il y avait de la demande et que cette demande assassinait les femmes. Toutes les femmes ». Après le passage de la loi, Rosen s’est engagée encore dans les stages de lutte contre l’achat d’actes sexuels avec plusieurs associations dont la Fondation Scelles. Après 8 ans d’expérience, son constat est sans appel : « J’ai eu l’impression de n’avoir que des anges en face de moi lors des premiers stages. Des bonnes âmes qui n’avaient rien fait de mal, des hommes qui avaient besoin d’un « traitement » et que pour eux le traitement, le médicament, c’était la femme. La prostituée... Une façon de passer un cap difficile... un décès, un divorce etc... Et puis je me suis fait la réflexion : ce ne sont pas les hommes que j'ai eus dans la prostitution. Mais en fait si, ce sont les mêmes. Ils mentent. Ils adoptent une attitude de « stage » alors qu’en fait, ils sont tous violents. Un seule main, qu'on ne désire pas, posée sur notre corps, c’est d’une violence inouïe. Ce sont des hommes qui sont dangereux pour la société. Soit, ils n’ont pas conscience et là, c’est une sanction et un suivi à long terme qu’il faudrait, soit ils en ont parfaitement conscience et c’est grave parce que la sanction est insuffisante ».
Et d’ajouter : « En 2012, quand j’avais parlé de déviance à l’Assemblée Nationale, tout le monde avait ouvert de grands yeux. Ils se sont dit : Mais ils ne sont pas déviants, ce sont juste des hommes. Non ! ce sont des déviants. Et je crois qu'on peut le confirmer aujourd'hui. Ils le sont tous. Ce sont des hommes à problème. Problèmes dans leur tête, problèmes dans leur pantalon. Et pour eux, c'est un moyen de se soigner. Or, ce n’est pas vrai, et ils le savent très bien. ils n’arrivent pas à comprendre qu’on n’en veut pas de ces relations, qu’on les vit mal, qu'on les subit… Ils ne veulent pas comprendre je pense, et c’est assez logique, sinon ça les détruirait ou au moins ça réduirait à néant leur argumentaire et ils ont quand même une conscience ».
Pour Rosen, il manque des hommes ‘repentis’ qui témoigneraient, des journalistes qui écriraient sur ça pour dire cette réalité-là. Que les victimes soient mineures ou pas, qu’elles affichent le discours du choix ou pas, il faut combattre les « clients », ces prostitueurs. La demande est coupable. « On sait très bien qu'une gamine qui a 12, 13 ans, quand elle entend quelqu’un lui dire que c’est un choix qu’elle a fait, elle va se dire : Après tout, je peux le faire aussi. Et ça, ça n’est pas possible ». La honte pour les « clients » plutôt que pour les femmes en situation de prostitution.
10 ans après
Même si la prostitution est encore là, « je peux dire que nous n’avons pas perdu : les victoires ont été nombreuses depuis la marche : la loi de 2016 qui a changé les perspectives, la QPC[1] qui a été rejetée, le CEDH[2] qui a confirmé la validité de la loi française. Je sais bien qu’il faudrait que ça avance plus vite mais je suis sûre d’une chose : les gens réfléchissent sur ces questions, et ils réfléchissent un peu mieux, que notre discours est entendu. Évidemment, la prise de conscience est encore longue. On voit par exemple en stage la réaction des hommes quand on leur parle de viol : ils le vivent très mal ». Ce qui la rend heureuse, c’est de se dire que « tout ce que j’ai fait depuis 2009, je ne l'ai pas fait pour rien. J'ai soutenu les associations...Le discours des survivantes a été capital et il est arrivé certainement aux oreilles des juges de la CEDH ».
Ça va mieux
« Je suis toujours en contact avec des survivantes. Beaucoup de jeunes m’appellent. Les associations sont là aussi. Les deux dernières années ont été dures, les six derniers mois extrêmement compliqués. Je suis désolée des rendez-vous que je n’ai pas pu honorer. Mais ça commence à aller mieux. Il faut se réparer. J’avais besoin de beaucoup de repos. C’est long. Je dors un peu mieux. Le plus beau message est venu de ma fille, Shane : « Maman, je suis contente d’avoir retrouvé la femme que tu étais ». Et Rosen de conclure : « Tu vois, nous sommes cassées mais nous luttons quand même. Une vraie force commune. Continuons ».
[1] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2018761QPC.htm : Il résulte de tout ce qui précède que le premier alinéa de l'article 225-12-1 et l'article 611-1 du code pénal, qui ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.
[2] https://x.com/ECHR_CEDH/status/1816396835398811976/photo/1 : « Arrêt M.A. et autres c. France - L’incrimination de l’achat de l’achat d’actes sexuels n’emporte pas violation de la Convention »
Ce plan répressif à pour mission première de donner une réponse coordonnée et ambitieuse pour les forces de sécurité intérieures face au fléau grandissant qu'est la TEH à des fins d'exploitation sexuelle et le proxénétisme.
Objectif n°6
Faire diminuer la demande d'actes sexuels tarifés
Sans clients, pas de prostitution, pas de proxénétisme, pas de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. Sensibiliser sur la responsabilité pénale du client et intensifier sa verbalisation sont deux axes à promouvoir.
Mesure N°15 à l'échelle nationale
Améliorer la politique de contrôle et de verbalisation des clients et en promouvoir une application effective et homogène sur l'ensemble du territoire.
>>> Lire l'intégralité du Plan de Répression
Le Ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a lancé, à l'approche des JO 2024, une campagne d'information et de sensibilisation à la lutte contre le système prostitutionnel.
Aujourd'hui en France :
40 000 personnes sont toujours en situation de prostitution
11 000 mineurs sont victimes d'exploitation sexuelle
Dans le cadre du plan national de lutte contre l'exploitation et la traite des êtres humains 2024-27 et de la stratégie de lutte contre le système prostitutionnel et l'exploitation sexuelle, l'Etat s'est engagé à déployer une campagne de sensibilisation à destination des publics français et internationaux à l'occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Face au risque d'augmentation du volume d'achats d'actes sexuels et des situations de traite des êtres humains en marge des Jeux Paris 2024, l'Etat déploie une campagne de sensibilisation composée de deux kits de communication visant à informer les publics, notamment les visiteurs étrangers :
Deux kits, l'un sur la Lutte contre le système prostitutionnel et l'autre sur la Lutte contre l'exploitation et la traite des êtres humains sont disponibles en français et en anglais et accessibles au téléchargement et libres de droits.