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LE VISAGE TOUJOURS PLUS INQUIETANT DE LA PROSTITUTION NIGERIANE : Sur le terreau fertile du chaos géopolitique et de l’emprise de mafias tentaculaires

La prostitution nigériane est présente en France depuis une vingtaine d'années. Obéissant aux tendances globales du marché, elle est aujourd’hui plus que jamais inquiétante par sa forte expansion, sa violence croissante, le rajeunissement de ses victimes, ou encore le développement d’une polyactivité criminelle des réseaux, associant proxénétisme et trafic de stupéfiants.

Et cette inquiétude ne peut que grandir au vu de la crise migratoire qui continue de sévir dans le sud du bassin méditerranéen et qui facilite grandement le business des réseaux criminels nigérians de traite des êtres humains, ainsi qu’au regard de l’apparition de nouveaux groupes criminels, les confraternités. 

 

 

Les médias font régulièrement état de réseaux de prostitution nigérians démantelés en France. Le mois dernier, "l’affaire du pasteur lyonnais" dans laquelle une cinquantaine de victimes ont été identifiées, renvoyait une nouvelle fois à l’existence de réseaux très actifs sur le territoire national, en particulier dans les grandes agglomérations, de structures pyramidales avec des "mamas" proxénètes en charge des personnes prostituées, avec un aspect communautaire très fort et un mécanisme de soumission scellé par le rite vaudou du "juju" qui renforce encore l’emprise des réseaux, de nombreuses victimes qui se voient assigner une dette de 30 000 à 50 000 euros à leur arrivée en France, et dont l’exploitation permet à ces organisations criminelles de dégager des bénéfices énormes, entre 100 000 et 150 000 euros par mois, envoyés très rapidement vers le Nigeria, via une chaîne d’intermédiaires.

 

>> Pour en savoir plus sur la situation prostitutionnelle au Nigéria

Extrait du Rapport mondial de la Fondation Scelles sur la prostitution 

Ces dernières années, le phénomène connaît d'importantes évolutions en France et en Europe, tant par les voies qu’il emprunte désormais, que par la main mise d’un système mafieux de confraternités sur les réseaux d’exploitation sexuelle de leur communauté.

 

Les nouvelles routes d’une prostitution qui explose

 

S’il n’est pas nouveau, le phénomène a explosé depuis que la révolution a cédé la place au chaos en Libye, devenue le principal point de départ de l'immigration européenne en provenance d'Afrique, et depuis que l'activité criminelle s'y est développée autour du trafic de migrants.

Les réseaux nigérians qui se sont eux aussi implantés en Libye, y organisent le départ des jeunes femmes "recrutées" au Nigéria, en particulier dans les zones les plus pauvres du pays, pour alimenter le marché européen de la prostitution. La route de l’Espagne, via le Maroc, est aujourd’hui délaissée et les victimes sont désormais conduites vers l’Italie. Les trafiquants utilisent généralement la route passant par le Niger, l’Algérie et la Libye, où leurs victimes sont embarquées à Tripoli, Misrata, ou encore Benghazi.

 

Profitant de ce contexte anarchique, les proxénètes nigérians envoient 7 fois plus de jeunes femmes en Europe qu’il y a 3 ans. Le Nigeria, géant de plus de 190 millions d’habitants, détient en effet, le triste record du nombre de migrants africains arrivés par bateau sur les côtes italiennes : ils étaient 37 551 en 2016 (22 237 en 2015), selon l’Organisation Internationale pour les Migrations - OIM . L’agence onusienne souligne une explosion des chiffres concernant le trafic de femmes : 7 768 sont arrivées par bateau en Italie entre le 1er janvier et le 30 septembre 2016, contre 5 653 pour l'année 2015, 1 454 en 2014, 433 en 2013, avec une augmentation importante du nombre de mineures. Pas moins de 80% d’entre elles sont destinées à l'exploitation sexuelle en Europe (OIM).

 

Ce phénomène se traduit dans les statistiques policières en France, puisque 28% des réseaux démantelés en 2016 étaient nigérians contre seulement 8% en 2015.

 

Police et justice françaises alertent également sur l’ampleur du phénomène à travers l’augmentation constante du nombre de victimes rassemblées dans les centres libyens en attente de leur traversée, où elles subissent des sévices physiques et moraux particulièrement graves. C’est le début de l’exploitation sexuelle, qui se poursuivra à leur arrivée en Italie, dans des centres d’accueil exposés à l’entrisme des trafiquants.

 

Mais cela ne suffit pas. Pour pallier le "manque à gagner" qui résulte du temps passé par les jeunes femmes dans les centres de rétention à leur arrivée en Italie, et continuer de répondre à la demande européenne, les recruteurs multiplient les passages et développent des recrutements au-delà des zones traditionnelles d'influence familiale ou clanique au Nigéria, notamment dans la zone sud-ouest et l’Etat d'Edo. Selon l’OIM, l’immense majorité des migrants nigérians arrivés par bateau sur les côtes italiennes en 2016 étaient originaires de Benin City dans l’Etat d’Edo, une région qui ne représente pourtant que 2% de la population du pays. C’est grâce à l’argent des enfants partis sur les rives nord de la Méditerranée que survit la ville, durement touchée par le déclin industriel depuis de nombreuses années, et aujourd’hui gangrénée par de nouveaux réseaux de traite humaine.

 

Une prostitution désormais aux mains de mafias internationales

 

Supplantant les réseaux de prostitution traditionnels des "mamas", anciennes prostituées reconverties en proxénètes après s’être acquittées de leur dette, des groupes criminels d’un genre particulier, les "confraternités nigérianes", ont investi les filières de traite des êtres humains. Après l'Italie et l'Espagne, la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Grande-Bretagne , ou encore la Suède et la Finlande, sont désormais impactées par ces organisations dont l’objectif est de s'implanter durablement en Europe.

 

Si ces confraternités sont apparues récemment en Europe, elles ont déjà une longue histoire au Nigéria, où elles ont connu une évolution complexe. Nées dans les années 1950 au sein des principales universités, elles étaient très impliquées dans la lutte nationaliste. Elles avaient pour but de lutter contre le colonialisme et de promouvoir la préservation de la culture et des traditions africaines, et l’accès aux études et à l'éducation pour les Noirs.

 

Au gré de scissions successives et d’une forte prolifération, ces entités se sont transformées au fil des années et ont évoluées vers la criminalité organisée. Il en existerait, à ce jour, plus d'une centaine regroupant des milliers de membres. Les plus importantes sont la Supreme Eiye Confraternity (SEC), les Black Axe, la Supreme Vikings Confraternity, la Klansmen Konfraternity (KK), la Mafia, les Buccaneers.

 

>> Pour en savoir plus : Sociétés secrètes traditionnelles et confraternités étudiantes au Nigeria, DIDR, OFPRA, 2015

 

L’une des plus actives en France est la Supreme Eiye Confraternity (SEC - Eiye signifie "oiseau" en langue yoruba, leur emblème est un aigle royal), organisation masculine très hiérarchisée, dont les membres sont soumis à un endoctrinement et un entraînement paramilitaire. Elle est aujourd’hui considérée comme une mafia internationale spécialisée dans l’exploitation sexuelle de jeunes femmes nigérianes.

 

Les membres de la SEC se sont imposés aux réseaux féminins traditionnels au Nigéria, souvent en formant des couples avec les "mamas", et en mettant en place un "modèle économique" de répartition des "tâches". S’ils ont recours aux pressions classiques comme la violence et les menaces sur la famille restée au pays, ils s’appuient également sur les cérémonies de magie noire du type "juju" pour maintenir les victimes dans un état de vulnérabilité et de soumission extrême, par croyance religieuse et peur des représailles.

 

La prostitution nigériane obéit également à d’autres tendances fortes du marché de l’exploitation sexuelle :

-     des réseaux criminels de plus en plus structurés et violents

-     une polyactivité criminelle des réseaux qui, dans un souci d’optimisation criminelle, se prêtent au trafic de migrants, de drogues, de cigarettes de contrefaçon…

-     des victimes de plus en plus jeunes et de plus en plus fréquemment mineures, pour répondre à la demande et  parce que de plus en plus de femmes ont entendu parlé de l’envers du décor, et les trafiquants préfèrent désormais promettre l’Europe à des adolescentes manipulables.

 

>> A lire : le dernier Rapport mondial de la Fondation Scelles sur la prostitution - Etat des lieux et défis à venir

 

La loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel prévoit des mesures  de protection et d’accompagnement des victimes : fin du délit de racolage ; protection renforcée dans le cadre des procédures judiciaires et octroi d’un titre de séjour automatique en cas de plainte ou de témoignage ; mise en place de mesures de protection et d'assistance via une commission départementale dédiée ; création d'un parcours de sortie et de réinsertion sociale et professionnelle, avec une prise en charge globale et l'octroi de droits spécifiques (logement, santé, aide financière, titre de séjour)

La loi française renforce également la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, responsabilise les ‘clients’ de la prostitution en interdisant l’achat d’un acte sexuel, et met en place des sanctions aggravées en cas de violences contre des personnes prostituées.

 

>> Les 8 points clés de la loi du 13 Avril 2016

 

 

La Fondation Scelles dans la presse

  • (ES - Milenio) El ser humano no está a la venta
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