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Belgique : un prostitueur de plus en Europe…

Pas encore d’étoile sur le maillot mais déjà premier champion européen d'un nouveau type de contractualisation du "commerce sexuel" des femmes. Un pas de plus vers la marchandisation de l’abjection. Philippe, ce Roi père de deux filles, contraint de promulguer des textes auxquels il ne peut même pas s’opposer alors qu’il est sollicité dans une majorité des 27 articles… Il faut lire les précautions prises par le législateur pour que « tout se passe bien » avec cette « loi portant des dispositions en matière de travail du sexe sous contrat de travail » qui vient d’entrer en vigueur au 1er décembre. Comme s’il savait déjà que la mise en œuvre serait inapplicable. Des intentions au monde réel, le fossé est toujours plus grand que prévu.

 

 prix fondation scelles : article sur la loi belge

 

Premières observations…

Nous savons déjà que même avec toutes les précautions possibles et imaginables, rien n’extirpera jamais la violence de la prostitution. Certes, ces précautions partent sans doute d’une bonne intention, mais ne cherchez pas, il manquera toujours quelque chose. Pourquoi ? parce que les prostitueurs, « clients » et proxénètes iront toujours un cran au dessus pour contourner les limitations dans un système qui autorise les viols tarifés.

 

Et puis quelle portée et quels sens cela induit-il de la vision des relations entre humains ? « Désormais, il sera possible légalement d’embaucher une personne en respectant des normes minimales[1] ». Des normes minimales ? on comprend bien là encore ce que cela sous-entend comme doutes sur la faisabilité de la mise en œuvre de cette « loi ». Est-ce que ce fameux contrat de travail qui a pensé à tout a aussi prévu la contractualisation du désir pour le « client » prostitueur ? Non ? ah alors nous pouvons encore poser la question du « forçage » ?  On ne peut toujours pas déconnecter un acte sexuel de la spontanéité et de la réciprocité dans l’envie et le désir. Rien de tout ça avec la contractualisation et l’argent dans la balance. Le viol reste entier. Et puis que se passe-t-il si la prostituée refuse un client ? Plusieurs ? un type de « prestation » ? Si le « client » n’est pas content de la « prestation » ? Ils peuvent se plaindre ? Porter réclamation ? on vous répond plus bas.

 

Apparemment, la Belgique a oublié qu’elle avait, dès 1965, signé et ratifié la convention de l'ONU du 2 décembre 1949 dont le préambule indique que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de prostitution, sont incompatibles avec la dignité humaine et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l'individu, de la famille et de la communauté ».

 

Rappelons également au passage à notre bienaimé voisin européen, les recommandations récentes (2024) de la Rapporteuse spéciale de l’ONU, Reem Alsalem, sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, dans son rapport A/HRC/56/48 : « La prostitution est un système d’exploitation et une forme globale de violence masculine contre les femmes et les filles qui recoupe d’autres formes de discrimination structurelle. Elle est utilisée de façon systématique par un vaste réseau d’acteurs étatiques et non étatiques qui assujettissent, contrôlent et exploitent des femmes et des filles en violant leurs droits humains fondamentaux. Les niveaux extrêmes de violence infligés aux femmes en situation de prostitution − qui ne seraient jamais acceptés dans d’autres contextes − sont couverts par une transaction financière, conçue pour matérialiser un soi-disant « consentement » qui ne peut s’exprimer librement dans le système prostitutionnel ».

 

Où est passée aussi la dernière résolution du Parlement européen (septembre 2023) qui définit la prostitution comme une forme de violence, à la fois cause et conséquence de l’inégalité des sexes et qui demande aux Etats membres de privilégier l’approche nordique avec la pénalisation de la demande ?

 

Mais à quoi servent donc les instances internationales et européennes si les Etats s’en moquent ?  

 

Un texte schizophrène

Il suffit d’analyser un peu le texte de la loi promulguée officiellement le 1er décembre dernier pour comprendre le degré d’hallucination collective qui a conduit des législateurs à produire un tel document. Ce n’est pas qu’une histoire. Déjà, à chaque pas, chaque ligne, le terme « travailleur du sexe » plutôt que son équivalent féminin. Jusqu’où va se nicher le sexisme quand on sait que plus de 85% des personnes en situation de prostitution sont des femmes… Passons.

 

Ainsi, on nous explique dès l’article 2, alinéa 6, que l’employeur (un proxénète on appelle ça ici) devra désigner une personne de confiance pour que « le travail » soit organisé de manière sécuritaire. Comment concrètement ? Une personne tierce sera dans la chambre, dans la vitrine, dans la voiture, pour empêcher un « client » prostitueur de sortir son couteau ? Ici c’est encore le Roi qui est convoqué (en fait le pouvoir législatif) pour fixer les « conditions de sécurité » nécessaires (article 5, alinéa a)... Pour le viol tarifé à domicile ?

 

Ce « contrat de travail » est un CDD de 6 mois renouvelable. Ouf, j’arrête quand je veux. « 89% des personnes en situation de prostitution voudraient quitter la prostitution si elles le pouvaient »[2] (études sur plus de 500 femmes, 7 pays, Melissa Farley, 2003). Si la « travailleuse du sexe » doit signer un consentement volontaire (article 5, alinéa c) pour le « travail » à domicile, n’est-ce pas d’abord pour disculper le prostitueur de toute responsabilité dans son acte d’intrusion sexuelle ? On nous dit aussi que la personne prostituée pourra refuser à tout moment un acte. Vous voyez bien qu’on a retiré la violence. C’est OK. La réalité nous montre hélas que c’est dans ces moments-là que la violence physique de la part des prostitueurs se déchaîne.

 

10 jokers ou 10 vies ?

Le paragraphe 3 de l’article 7 nous explique que « si le travailleur du sexe a fait usage du droit de refuser d'avoir des rapports sexuels avec un client ou d'accomplir certains actes sexuels plus de dix fois sur une période de six mois, l'employeur ou le travailleur du sexe a la possibilité de demander l'intervention du service désigné par le Roi. Ce service examine le respect des dispositions relatives au bien-être au travail par l'employeur et entend les parties concernées ». C’est encore le procureur du Roi qui propose un médiateur entre les parties : la « travailleuse du sexe » et son employeur proxénète ? La « travailleuse du sexe » et son « client » ? Des conflits en perspective. On est pas dans le féminisme et la protection des femmes mais dans l'entérinement du pouvoir de domination par l'argent du client prostitueur. Qui refusera dix "clients" ? Il faut payer son loyer et satisfaire son employeur. Si une personne en situation de prostitution refuse, celle d'à côté va accepter... le médiateur analysera-t-il aussi la concurrence déloyale ?

 

On vous laisse deviner, à terme, ce qui va se passer… On n’inverse pas comme ça un rapport de force. Qui appuiera sur le bouton de secours d’urgence ? En Allemagne, ce dispositif existe déjà dans les bordels, personne ne l’utilise, et pourtant des femmes prostituées meurent sur leurs lieux de « travail »… Par accident ?

 

En parlant de lieux de « travail », c’est encore le Roi qui est convoqué pour fixer les modalités de l’agrément (licence) accordé aux employeurs et au moins son procureur pour valider les lieux « où se trouve une unité d’établissement » (article 16). Unité d'établissement ? vraiment il n'y avait pas d'autres termes ? Et pour les soins post-traumatiques, les lésions anales et vaginales, qui s’en occupera et fixera les modalités ?

 

Arrêtons-nous là pour le texte et demandons aux proxénètes et réseaux de traite ce qu’ils en pensent ?

 

Allez, on vous aiguille un peu… Le signal envoyé a été déjà bien perçu. Ils ne vont pas tarder à accourir pour faire de l’argent sur le dos de qui vous savez. Par solidarité, nous souhaitons déjà bon courage aux forces de l’ordre belges pour ce surcroît d’activités à anticiper dès maintenant. Il faudra dénouer ce qui est de l’ordre du crime organisé, du réseau de traite, du proxénétisme de ce qui ne l’est pas. Impossible dans la réalité. Partout où la prostitution est soi-disant encadrée, les prostitueurs sont là, et les mafias aussi. Malgré les tonnes de précautions (casier vierge des employeurs exigé), comme dans la plupart des pays réglementaristes, nous voyons bien qu’il n’en est rien. Qui tient les vitrines à Amsterdam aujourd'hui ? Qui tient les principaux établissements en Allemagne ? Ce ne sont plus des casiers judiciaires mais des annuaires d’infractions quand on y regarde d’un peu plus près.

 

Non vraiment, il ne fallait pas. L’industrie de l’exploitation des femmes dit merci à la Belgique. Les prostitueurs français aussi qui pourront continuer de venir passer des week-ends « exotiques » chez vous et profiter du service. Et notre belle Europe de faire résonner l'hymne à la joie des Hommes pour la contractualisation d'une violence sexiste et sexuelle ?

 



[1]https://www.liberation.fr/international/europe/prostitution-la-belgique-devient-le-premier-pays-du-monde-a-creer-un-contrat-de-travail-20241201_Q6XITULQJJGDJPBX5U7X5UCMNY/

[2]Melissa Farley, A. Cotton, J. Lynne, S. Zumbeck, F. Spiwak, ME. Reyes, D. Alvarez, U. Sezgin, « Prostitution and Trafficking in Nine Countries : An Update on Violence and Posttraumatic Stress Disorder », Journal of Trauma Practice, Taylor and Francis, 2003. Étude menée sur la base d’entretiens avec 854 personnes en situation de prostitution ou venant d’en sortir, dans neuf pays (Canada, Colombie, Allemagne, Mexique, Afrique du Sud, Thaïlande, Turquie, États-Unis, Zambie), revue par des pairs.

 

 

Laurence Noëlle : "C’est ça qu’il faut dire : la réalité !"

« Même une fois sortie de la prostitution, on continue à payer. La société a honte de la prostitution : certains la méprisent, d’autres mettent une jolie couche de vernis en disant que c’est super. Tout le monde se voile la face (…). Je suis encore étonnée quand j’entend des femmes dire qu’elles sont bien (…). Mais elles ne disent pas ce qu’elles vivent, qu’elles ne choisissent pas les hommes avec qui elles couchent, donc qu’elles le subissent. Des mecs qui peuvent sentir mauvais des aisselles ou du sexe ou de la bouche, qui sont violents, des gros, des visqueux qui demandent des trucs horribles. C’est ça qu’il faut dire : la réalité ! » 

Laurence Noëlle lors de son intervention au Parlement européen en 2013.

 

 

Laurence Noëlle, cofondatrice du mouvement des survivantes en France nous a quitté en octobre dernier. La Fondation Scelles l'avait interviewé en 2013 à l'occasion de la sortie de son livre témoignage "Renaître de ses hontes". Il n'y a rien de honteux dans son parcours de vie. Rien de honteux dans le combat que Laurence a mené pour l'abolitionnisme. Rien de honteux non plus à témoigner de la violence du système prostitueur. Nous remettons ici l'intégralité des échanges que nous avons eu avec Laurence lors de cet entretien. Laurence Noëlle était formatrice spécialisée dans la prévention de la violence. A 17 ans, elle a connu la la mainmise des proxénètes. 28 ans après, elle a publié le récit de son expérience et de sa reconstruction « Renaitre de ses hontes » (Le Passeur Editeur)

 

Qu’est-ce que ce livre a changé dans votre vie et pourquoi l’avez-vous écrit ?

C’est très difficile à expliquer. Le livre m’amène une explosion de sollicitations. J’aurais pu dire non à cette sollicitation car je pense que c’est trop d’un coup. Mais j’ai dit oui. Ce n’est pas pour moi : c’est pour l’intérêt supérieur commun. Parce que je serais bien plus tranquille dans ma petite vie d’avant, bien planquée. En tout cas ce n’est pas mon ego qui parle. Pendant les quatre années de rédaction de ce livre et encore aujourd’hui, j’ai tout le temps été déchirée entre deux parties de moi : entre celle qui voulait dire qu’il est possible de s’en sortir, et celle complètement terrorisée à l’idée de m’exposer parce que mon bouquin pourrait être connu.

 

Quel est le sens de votre témoignage ?

Toutes les personnes qui ont souffert de la prostitution se taisent. Si cette parole sortait, si tous ces fantômes, si toutes ces personnes disaient la réalité, on n’en serait sûrement pas là. C’est bien ça qui manque : faire sortir la parole. Pourquoi je me suis tue ? Parce que je ne voulais pas perdre mon travail, parce que je voulais protéger mes enfants. Je connais des femmes géniales qui pourraient témoigner, mais elles refusent à cause de cela. L’objectif de mon témoignage est de libérer cette parole.

Cela dit, je les comprends car on porte ça toute sa vie. Même une fois sorti de la prostitution, on continue à payer. La société a honte de la prostitution : certains la méprisent, d’autres mettent une jolie couche de vernis en disant que c’est super. Tout le monde se voile la face.

Les journalistes, quand ils parlent de moi, ne disent pas : « Vous avez connu la prostitution », mais « vous êtes une ex-prostituée ». On me juge dans l’être. Tu as été, donc tu seras ! Il n’y a pas de pardon. Mais il faut dire ce que je suis devenue aujourd’hui ! Car mon message s’adresse aussi à ceux et celles qui sont toujours dedans, pour leur montrer qu’il est possible de s’en sortir, sinon cela n’a pas de sens.

 

Comment peut-on prévenir la prostitution, en particulier auprès des jeunes ?

Je n’y ai pas vraiment réfléchi. La seule chose que je peux vous répondre spontanément, c’est qu’il faut dire ce qui se passe réellement, c’est-à-dire les actes qui sont pratiqués dans la prostitution. Dire les choses ouvertement et donner des détails de ce qui se passe, vu de l’intérieur.

Je suis encore étonnée quand j’entends des femmes dire qu’elles sont bien, comme par exemple les étudiantes qui se prostituent. Mais elles ne disent pas ce qu’elles vivent, qu’elles ne choisissent pas les hommes avec qui elles couchent donc qu’elles le subissent. Des mecs qui peuvent sentir mauvais des aisselles ou du sexe ou de la bouche, qui sont violents, des gros, des visqueux qui demandent des trucs horribles. C’est ça qu’il faut dire : la réalité !

Si ces personnes qui prônent la prostitution comme une vertu se cachent, c’est bien parce qu’elles ont honte ! Qu’on ne vienne pas me dire qu’on prend du plaisir avec un mec répugnant !

 

Vois- tu un lien entre la prostitution et la maltraitance et l’inceste que tu as vécus ?

La prostitution, pour moi, c’est un choix désespéré, dans n’importe quel cas. Pourquoi suis-je restée dans la prostitution ? J’aurais pu fuir, mais ce n’est pas ce que j’ai fait. Il y a plusieurs facteurs à cela. Premièrement, je n’ai pas fui car j’avais peur que mes proxénètes me retrouvent et me frappent. Mais j’ai aussi fait le choix de me laisser faire car je ne voulais pas être abandonnée. Si je fuyais, je me retrouvais toute seule, surtout à mon âge [ndlr : 16 ans]. Je ne savais pas que les mineurs étaient protégés. Je pensais dur comme fer que je risquais d’aller en prison.

Je voulais aussi m’auto-punir (cela, je l’ai compris grâce à la psychothérapie). La culpabilité a été lourde dans ma vie. J’ai toujours pensé que si ma mère n’était pas gentille avec moi, c’est parce que je le méritais, que j’étais une mauvaise fille. Un livre magnifique de Yves Alexandre Thalmann « Au diable la culpabilité ! » m’a vraiment ouvert les yeux sur la culpabilité morbide, malsaine. On croit être coupable alors qu’on ne l’est pas et on passe sa vie à s’auto-punir, à se mettre dans des événements qui ne sont pas bons pour nous, parce qu’on est persuadé d’être mauvais.

Donc oui, il y a un lien entre l’inceste, la maltraitance et la prostitution car je pensais que j’étais coupable et que je ne valais rien. Je pensais aussi que j’étais une poupée car j’avais été touchée par mon beau-père. Ce qui est bon pour toi, tu ne le vois pas puisque tu es persuadé que de toute façon tu ne vaux rien. Et c’est sans fin puisque cette culpabilité n’est pas réelle.

 

Pourquoi la prostitution est-elle un choix désespéré ?

Parce que cela veut dire qu’on ne se laisse même pas le choix d’avoir un autre métier pour gagner sa vie. On part du principe que de toute façon on n’y arrivera pas, que l’on ne vaut pas grand chose. Je veux dire qu’il faut quand même beaucoup de mépris de soi. Pourquoi un étudiant va-t-il aller travailler au Mac Do tandis qu’un autre va se prostituer ? C’est bien à cause du respect et de l’estime de soi !

Aujourd’hui, j’ai appris à m’aimer. Si je suis dans la merde, pour rien au monde j’irais me prostituer. C’est louer mon corps comme un torchon  et encore un torchon tu le laves…

 

Quel a été le déclic qui t’as aidée à reconstruire ton estime de toi ?

Ce déclic, c’est l’amour. C’est ce mépris de moi-même, ce manque d’amour, ce qui m’est arrivé dans mon enfance qui m’ont fait plonger dans la prostitution, mais c’est bien le déclic de l’amour qui m’en a fait sortir. Ce n’est qu’une histoire d’amour tout cela. L’amour de mon chien était le seul amour que j’avais. Et puis sur mon chemin, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes bienveillantes qui m’ont appris à m’aimer.

Les clients n’ont pas appris à aimer, sinon ils ne seraient pas entrain de voir une prostituée. Ils n’ont peut être pas été aimés non plus. Pourquoi certains hommes respectent les femmes et d’autres pas ? Pourquoi certains sont clients et d’autres non ? Moi la seule différence que je trouve c’est l’apprentissage de l’amour et de la communication.

Propos recueillis par RN et CG

Laurence Noëlle, Renaître de ses hontes, Ed. Le Passeur, 2013. 

 

CP - Crimes de l’industrie pornographique : les faits doivent être jugés dans leur intégralité

Le 12 décembre, la cour d’appel de Paris rendra une décision importante (prévue initialement le 17 octobre) dans l’affaire dite “French Bukkake”. Les dizaines de victimes des crimes de l’industrie pornographique devront-elles se contenter d’une justice au rabais ?

 

Quatre ans. Cela fait plus de quatre ans que les 42 victimes qui se sont portées parties civiles dans l’affaire dite « French Bukkake » attendent le procès des hommes qui les ont exploitées sexuellement. Dans cette affaire dévoilant les rouages criminels de l’industrie pornographique française, 17 hommes ont été mis en examen pour viols en réunion, traite d’êtres humains en bande organisée et proxénétisme aggravé.

 

Les violences que ces femmes ont subies sont insoutenables. Manipulées et prises au piège par un rabatteur, elles ont été violées à de multiples reprises. Le dossier d’instruction contient des centaines d’heures d’images de violences sexuelles extrêmes.

 

L’une des victimes associe les multiples viols qu’elle a subis à de la torture : “J’ai été violée 240 fois, ce n’est pas de la torture ça ? Quatre-vingt-huit fois sur le bukkake, quarante-quatre fois en une heure. Je sais que j’ai été violée, ce n’est pas ça le sujet, le sujet c’est la torture. Aucun humain n’est capable d’absorber quarante-quatre pénétrations en une heure.”

 

Ces femmes ont en outre été soumises à des mises en scène et des actes sadiques, volontairement déshumanisants, à des souffrances aiguës, des étouffements prolongés, des pénétrations multiples et simultanées (vagin, anus, bouche), Ces femmes ont indiscutablement été torturées.

 

Pourtant, la circonstance aggravante d'actes de tortures n’a pas été retenue par le juge d’instruction dans son ordonnance de mise en accusation en 2023. Les circonstances aggravantes de sexisme et de racisme non plus, alors même que les insultes racistes et misogynes pullulent dans les vidéos. La plupart des parties civiles ont donc fait appel de cette décision.

 

L'abandon de ces circonstances aggravantes est un déni de justice pour les victimes.  Au passage, la justice laisse impunie la dimension la plus anti-sociale de ces crimes, leur dimension déshumanisante, raciste et sexiste, ce qui profite aux accusés qui n’auront pas à répondre de l’intégralité de leurs actes. Encourant une peine de 20 ans de réclusion criminelle tout au plus, ils peuvent alors être renvoyés devant une cour criminelle départementale, au lieu de comparaître devant une cour d’assises et de faire face à une peine de 30 ans, voire à la perpétuité.

 

Cette déqualification inacceptable des violences est rendue possible par la généralisation récente des cours criminelles départementales. Censées répondre à l’engorgement des cours d’assises et améliorer la réponse judiciaire - notamment en matière de viols - ces cours ont en réalité permis l’apparition d’une nouvelle forme de minimisation des viols : les juges d’instruction et les parquets peuvent être tentés d’écarter certaines circonstances aggravantes ayant accompagné les crimes, afin de pouvoir les renvoyer devant une cour criminelle plutôt qu’une cour d’assises. L’affaire French Bukkake en est un exemple flagrant.

 

Nous, associations, partis politiques et syndicats, attendons beaucoup de la décision que prendra la chambre de l’instruction le 12 décembre. Sept ans après le début du mouvement #MeToo, en plein procès des violeurs de Mazan, nous ne pouvons accepter que les viols soient encore minimisés par l’institution judiciaire et des victimes sacrifiées pour des motifs budgétaires.

 

 

 

Personnalités signataires :

Hélène BIDARD, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes

Danielle BOUSQUET, présidente de la FNCIDFF

Françoise BRIE, ancienne directrice de la Fédération nationale Solidarité Femmes

Laurence COHEN, ex-sénatrice, co-rapporteure de la mission d’information sénatoriale Porno: l’enfer du décor

Marie-Hélène FRANJOU, médecine

Saphia GUERESCHI, infirmière, secrétaire générale du Syndicat National des Infirmières Conseillères de Santé-FSU

Pascale MARTIN, ex-députée

Maud OLIVIER, ex-députée, rapporteure de la loi contre le système prostitutionnel

Emmanuelle PIET, fondatrice du Collectif Féministe Contre le Viol

Céline PIQUES, Commission Violences du Haut Conseil à l’Egalité, rapporteuse du rapport Pornocriminalité

Lorraine QUESTIAUX, avocate et militante féministe

Sabine REYNOSA, militante féministe et syndicale

Laurence ROSSIGNOL, sénatrice, ex-Ministre des droits des femmes

Danielle SIMONNET, députée

Céline THIEBAULT-MARTINEZ, députée

 

Contact presse : 06 66 29 10 78

 

 

 

le tourisme sexuel : la perpétuation d'un colonialisme sexiste et raciste

La mondialisation se caractérise par une interconnexion entre les individus, les institutions, les lieux et les sociétés, à l'échelle planétaire, à travers une intensification croissante des échanges de biens et de personnes. Cette intensification des flux entre les territoires a engendré un tourisme de masse qui, en dehors des épisodes de pandémie, n'a cessé de s'accroître.

 visuel tourisme sexuel - louis lumiere - prix fondation scelles


Si de nombreuses personnes voyagent pour se reposer ou découvrir de nouvelles cultures, une relation complexe s'est développée entre le tourisme et la prostitution alimenté notamment par le sexisme, le néocolonialisme et un certain sentiment de supériorité lié à la richesse au regard d'une pauvreté endémique dans certains pays du sud global dont ont su profiter les réseaux d'exploitation pédocriminels. Ces dynamiques ont engendré une augmentation de la demande prostitutionnelle de la part de certains touristes, souvent justifiée par le prétexte "d'aider les populations pauvres" ou de "découvrir de nouvelles pratiques culturelles". Il convient de préciser ici que cette pratique est avant tout le fait d'hommes occidentaux, plus ou moins aisés, qui visent des femmes autochtones et plus pauvres ( même si le tourisme sexuel se pratique aussi dans une moindre mesure au niveau intranational). Une telle homogénéité dans leur profil soulève d'ailleurs plusieurs points qui seront détaillés plus loin. Enfin, ce marché génère des profits considérables pour différents acteurs, tels que des agences de voyages occidentales ou des réseaux de prostitution dans les pays d'accueil, au détriment des nombreuses femmes et jeunes filles contraintes de s'y soumettre.

 

Revenons sur quelques points-clefs qui ont permis le développement de cette pratique. A l'origine de nombreux lieux de prostitution se sont developpés lors de la colonisation où les colons créaient des maison closes pour "divertir les militaires" . Plus tard, un phénomène similaire est apparu près des zones de repos des soldats américains lors des guerres de Corée et du Vietnam. En effet, ces derniers représentaient une forte demande d'actes sexuels, ce qui a poussé des proxènètes à créer des infrastructures dédiées dans ces territoires.

 

Enfin de nos jours, l'intensification de la mondialisation a conduit à l'essor du tourisme de masse, grâce à des législations facilitant les déplacements (comme l'espace Schengen) et à l'amélioration des infrastructures de transport (offrant davantage de destinations, plus rapidement et à moindre coût). En 2012, sur un milliard de touristes internationaux, on estime que 10 % choisissent leur destination en fonction de l'offre prostitutionnelle locale . Il convient également de préciser qu'au-delà des femmes, se sont aussi de nombreuses filles qui se retrouvent dans ces réseaux pour répondre à la demande des touristes. Elles sont souvent en situation de rupture familiale, isolées, déscolarisées, et dans des situations précaires, ce qui les rend davantage manipulables pour les proxénètes.

 

Par ailleurs, la diversité des législations nationales et de leurs modalités d'application ont servi de tremplin à cette exploitation. Dans les pays ayant adopté un modèle réglementariste, la prostitution est traitée comme un métier ordinaire : l'achat, la vente d'actes sexuels et le proxénétisme y sont légaux. Ces pratiques sont encadrées par l'État, qui perçoit une part des revenus générés. Par exemple, en Allemagne, la prostitution rapporte environ 14,6 milliards d'euros par an à l'État , soit plus que le PIB de la Macédoine, estimé à 13,8 milliards d'euros en 2021 .

 

Néanmoins, l'appât du gain attire également les groupes criminels et les réseaux de prostitution quelque soit le modèle législatif en place, que la prostitution soit interdite (prohibitionnisme) ou que seul le proxénétisme soit criminalisé. Dans ces systèmes législatifs, les réseaux opèrent de manière informelle. Ainsi, la corruption des forces de l'ordre qui bat son plein et l'absence de coopération internationale entretiennent ce commerce lucratif pour les réseaux de prostitution et l'économie locale au détriment des victimes.

 

Cela nous amène à examiner un autre point concernant les destinations privilégiées par les touristes sexuels. Au-delà de l'influence des législations en place, le choix des destinations s'effectue également suivant le concept « d'imaginaire géographique », qui permet aussi d'éclairer le profil-type de ces clients prostitueurs. Celui-ci renvoie à « l'ensemble des représentations d'autres lieux, paysages, peuples ou cultures mais aussi, (...) les manières dont de telles représentations projettent les désirs, les fantasmes et les valeurs de leurs auteurs ainsi que les rapports de pouvoir entre eux et les objets décrits » .

 

 >>> EN savoir plus : "Lois extraterritoriales en matière de tourisme sexuel impliquant des enfants"

 

Ainsi, les clients choisissent leurs destinations en fonction de l'image qu'ils ont de ces endroits et de leurs habitantes ( femmes et filles). Ils s'appuient sur des stéréotypes liés à l'apparence physique (peu de pilosité, formes généreuses) ou au comportement supposé (docilité, sexualité débridée), ainsi qu'au statut qu'ils pensent y acquérir. Les régions comme l'Asie, l'Amérique latine, les Caraïbes et l'Afrique sont particulièrement prisées, car elles incarnent, selon eux, un idéal d'« exotisme » montrant ainsi le caractère raciste qui anime ces "prostitueurs".

 

Ces représentations sont également empreintes de sexisme et de néo-colonialisme. En effet, beaucoup de ces hommes rejettent l'indépendance acquise par les femmes occidentales, perçues comme plus difficiles. En réaction, ils se tournent vers des femmes dites « de couleur », issues de pays considérés comme plus traditionnels ou des communautés les plus discriminées, espérant y retrouver un certain statut et des privilèges. Ils partent du principe qu'en tant qu'hommes, et surtout en tant qu'Occidentaux, ils bénéficieront d'une position dominante sur les femmes locales. Ces idées reposent ainsi largement sur des stéréotypes hérités de l'époque coloniale. Cela reflète une logique de possession et de consommation des « ressources locales » : nourriture, paysages, culture, et, malheureusement, corps des femmes.

 

En conclusion, le tourisme sexuel illustre une domination multiple : fondée sur le genre, l'économie, l'ethnie et les imaginaires géographiques. Pour ces hommes, il s'agit avant tout d'un moyen de réaffirmer leur contrôle sur les femmes les plus vulnérables et sur ce qu'elles symbolisent. Cette pratique, loin d'être marginale, est alimentée par des législations permissives et un réseau complice attiré par les profits colossaux qu'elle génère. Le processus repose sur les dynamiques capitalistes, au détriment du bien-être de nombreuses femmes et filles à travers le monde. Pour lutter efficacement contre ce fléau, il est impératif de s'attaquer à sa racine : la demande. Cela passe par des politiques rigoureuses visant à responsabiliser les clients, ainsi que par une coopération internationale pour démanteler les réseaux qui en tirent profit. Parallèlement, il est essentiel de promouvoir l'égalité des genres et de lutter contre les imaginaires stéréotypés qui légitiment ce type d'exploitation. Seule une approche globale, intégrant des mesures économiques, juridiques et culturelles, permettra de réduire l'impact dévastateur du tourisme sexuel sur les femmes et les filles à travers le monde.

 

Emilie BATHILY

 

« Toutes des Gisèles ? Non. Tous des violeurs : certainement ».

Le point commun entre les accusés de viols au procès de Dominique Pélicot et les prostitueurs « acheteurs d'actes sexuels » qui défilent aux stages : une vision utilitariste de la femme réduite peu ou prou au statut d'objet de leur plaisir sexuel. Gare à elles si elles s'émancipent, répondent, disent Non... Ils les veulent soumises, sans autorité ni pouvoir, « consentantes »-bâillonnées par le chantage économique et/ou la chimie des drogues. Silencieuses, mortes, faisant semblant d'aimer ça. De gré ou de force.

 

 homme menoté


Quand un des accusés, s'adressant au Président du tribunal, dit : « Vous savez, le mariage, c'est comme un CDI... Et comme dans tout CDI, on a droit à des congés annuels », ici, au même moment, un prostituteur raconte que sa compagne lui a dit non deux fois en deux jours et que donc il s'est vengé en allant solliciter une femme en situation de prostitution. Un autre nous dit qu'il a fait toutes les « copines » de son répertoire, un soir, et comme il « avait envie », et qu'aucune n'était disponible, il est allé sur un site pour en « commander une ».


Les mêmes. La même vision. La même construction. La même attitude. Les mêmes mépris. Les mêmes prétextes. Déresponsabilisés. Victimes d'eux-mêmes, de la société, du gouvernement, de leurs pseudo besoins irrépressibles, de leur stupidité bien commode (« j'ai pas réfléchi »), des femmes... De l'empathie pour eux-mêmes et c'est à peu près tout.


Ce qui s'échange à Mazan en fait plus que toutes les campagnes de communication contre les violences sexuelles : assez de cette culture du viol entretenue, de ces délires fictionnels des hommes en recherche de leur seule satisfaction éjaculatoire.


Alors nous entendons déjà la face sombre des mâles prendre la mouche et lancer à la volée des : « toutes des Gisèles... » : Non ! Tous des violeurs : Certainement. Il est grand temps d'inverser la charge de la honte. Ce qui compte, ce ne sont pas les interrogations autour du crop-top, du vernis à ongles ou des photos de Gisèle en maillot. Le poids des violences ne doit reposer que sur ceux qui les ont perpétrés. Personne ne les a poussés à les commettre. Elles méritent sanctions pour leurs auteurs et réparations pour leurs victimes, à la hauteur des préjudices subis.


Maintenant, ça suffit.

 

 

 

 

La Fondation Scelles dans la presse

  • (ES - Milenio) El ser humano no está a la venta
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