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Belgique : un prostitueur de plus en Europe…

Pas encore d’étoile sur le maillot mais déjà premier champion européen d'un nouveau type de contractualisation du "commerce sexuel" des femmes. Un pas de plus vers la marchandisation de l’abjection. Philippe, ce Roi père de deux filles, contraint de promulguer des textes auxquels il ne peut même pas s’opposer alors qu’il est sollicité dans une majorité des 27 articles… Il faut lire les précautions prises par le législateur pour que « tout se passe bien » avec cette « loi portant des dispositions en matière de travail du sexe sous contrat de travail » qui vient d’entrer en vigueur au 1er décembre. Comme s’il savait déjà que la mise en œuvre serait inapplicable. Des intentions au monde réel, le fossé est toujours plus grand que prévu.

 

 prix fondation scelles : article sur la loi belge

 

Premières observations…

Nous savons déjà que même avec toutes les précautions possibles et imaginables, rien n’extirpera jamais la violence de la prostitution. Certes, ces précautions partent sans doute d’une bonne intention, mais ne cherchez pas, il manquera toujours quelque chose. Pourquoi ? parce que les prostitueurs, « clients » et proxénètes iront toujours un cran au dessus pour contourner les limitations dans un système qui autorise les viols tarifés.

 

Et puis quelle portée et quels sens cela induit-il de la vision des relations entre humains ? « Désormais, il sera possible légalement d’embaucher une personne en respectant des normes minimales[1] ». Des normes minimales ? on comprend bien là encore ce que cela sous-entend comme doutes sur la faisabilité de la mise en œuvre de cette « loi ». Est-ce que ce fameux contrat de travail qui a pensé à tout a aussi prévu la contractualisation du désir pour le « client » prostitueur ? Non ? ah alors nous pouvons encore poser la question du « forçage » ?  On ne peut toujours pas déconnecter un acte sexuel de la spontanéité et de la réciprocité dans l’envie et le désir. Rien de tout ça avec la contractualisation et l’argent dans la balance. Le viol reste entier. Et puis que se passe-t-il si la prostituée refuse un client ? Plusieurs ? un type de « prestation » ? Si le « client » n’est pas content de la « prestation » ? Ils peuvent se plaindre ? Porter réclamation ? on vous répond plus bas.

 

Apparemment, la Belgique a oublié qu’elle avait, dès 1965, signé et ratifié la convention de l'ONU du 2 décembre 1949 dont le préambule indique que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de prostitution, sont incompatibles avec la dignité humaine et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l'individu, de la famille et de la communauté ».

 

Rappelons également au passage à notre bienaimé voisin européen, les recommandations récentes (2024) de la Rapporteuse spéciale de l’ONU, Reem Alsalem, sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, dans son rapport A/HRC/56/48 : « La prostitution est un système d’exploitation et une forme globale de violence masculine contre les femmes et les filles qui recoupe d’autres formes de discrimination structurelle. Elle est utilisée de façon systématique par un vaste réseau d’acteurs étatiques et non étatiques qui assujettissent, contrôlent et exploitent des femmes et des filles en violant leurs droits humains fondamentaux. Les niveaux extrêmes de violence infligés aux femmes en situation de prostitution − qui ne seraient jamais acceptés dans d’autres contextes − sont couverts par une transaction financière, conçue pour matérialiser un soi-disant « consentement » qui ne peut s’exprimer librement dans le système prostitutionnel ».

 

Où est passée aussi la dernière résolution du Parlement européen (septembre 2023) qui définit la prostitution comme une forme de violence, à la fois cause et conséquence de l’inégalité des sexes et qui demande aux Etats membres de privilégier l’approche nordique avec la pénalisation de la demande ?

 

Mais à quoi servent donc les instances internationales et européennes si les Etats s’en moquent ?  

 

Un texte schizophrène

Il suffit d’analyser un peu le texte de la loi promulguée officiellement le 1er décembre dernier pour comprendre le degré d’hallucination collective qui a conduit des législateurs à produire un tel document. Ce n’est pas qu’une histoire. Déjà, à chaque pas, chaque ligne, le terme « travailleur du sexe » plutôt que son équivalent féminin. Jusqu’où va se nicher le sexisme quand on sait que plus de 85% des personnes en situation de prostitution sont des femmes… Passons.

 

Ainsi, on nous explique dès l’article 2, alinéa 6, que l’employeur (un proxénète on appelle ça ici) devra désigner une personne de confiance pour que « le travail » soit organisé de manière sécuritaire. Comment concrètement ? Une personne tierce sera dans la chambre, dans la vitrine, dans la voiture, pour empêcher un « client » prostitueur de sortir son couteau ? Ici c’est encore le Roi qui est convoqué (en fait le pouvoir législatif) pour fixer les « conditions de sécurité » nécessaires (article 5, alinéa a)... Pour le viol tarifé à domicile ?

 

Ce « contrat de travail » est un CDD de 6 mois renouvelable. Ouf, j’arrête quand je veux. « 89% des personnes en situation de prostitution voudraient quitter la prostitution si elles le pouvaient »[2] (études sur plus de 500 femmes, 7 pays, Melissa Farley, 2003). Si la « travailleuse du sexe » doit signer un consentement volontaire (article 5, alinéa c) pour le « travail » à domicile, n’est-ce pas d’abord pour disculper le prostitueur de toute responsabilité dans son acte d’intrusion sexuelle ? On nous dit aussi que la personne prostituée pourra refuser à tout moment un acte. Vous voyez bien qu’on a retiré la violence. C’est OK. La réalité nous montre hélas que c’est dans ces moments-là que la violence physique de la part des prostitueurs se déchaîne.

 

10 jokers ou 10 vies ?

Le paragraphe 3 de l’article 7 nous explique que « si le travailleur du sexe a fait usage du droit de refuser d'avoir des rapports sexuels avec un client ou d'accomplir certains actes sexuels plus de dix fois sur une période de six mois, l'employeur ou le travailleur du sexe a la possibilité de demander l'intervention du service désigné par le Roi. Ce service examine le respect des dispositions relatives au bien-être au travail par l'employeur et entend les parties concernées ». C’est encore le procureur du Roi qui propose un médiateur entre les parties : la « travailleuse du sexe » et son employeur proxénète ? La « travailleuse du sexe » et son « client » ? Des conflits en perspective. On est pas dans le féminisme et la protection des femmes mais dans l'entérinement du pouvoir de domination par l'argent du client prostitueur. Qui refusera dix "clients" ? Il faut payer son loyer et satisfaire son employeur. Si une personne en situation de prostitution refuse, celle d'à côté va accepter... le médiateur analysera-t-il aussi la concurrence déloyale ?

 

On vous laisse deviner, à terme, ce qui va se passer… On n’inverse pas comme ça un rapport de force. Qui appuiera sur le bouton de secours d’urgence ? En Allemagne, ce dispositif existe déjà dans les bordels, personne ne l’utilise, et pourtant des femmes prostituées meurent sur leurs lieux de « travail »… Par accident ?

 

En parlant de lieux de « travail », c’est encore le Roi qui est convoqué pour fixer les modalités de l’agrément (licence) accordé aux employeurs et au moins son procureur pour valider les lieux « où se trouve une unité d’établissement » (article 16). Unité d'établissement ? vraiment il n'y avait pas d'autres termes ? Et pour les soins post-traumatiques, les lésions anales et vaginales, qui s’en occupera et fixera les modalités ?

 

Arrêtons-nous là pour le texte et demandons aux proxénètes et réseaux de traite ce qu’ils en pensent ?

 

Allez, on vous aiguille un peu… Le signal envoyé a été déjà bien perçu. Ils ne vont pas tarder à accourir pour faire de l’argent sur le dos de qui vous savez. Par solidarité, nous souhaitons déjà bon courage aux forces de l’ordre belges pour ce surcroît d’activités à anticiper dès maintenant. Il faudra dénouer ce qui est de l’ordre du crime organisé, du réseau de traite, du proxénétisme de ce qui ne l’est pas. Impossible dans la réalité. Partout où la prostitution est soi-disant encadrée, les prostitueurs sont là, et les mafias aussi. Malgré les tonnes de précautions (casier vierge des employeurs exigé), comme dans la plupart des pays réglementaristes, nous voyons bien qu’il n’en est rien. Qui tient les vitrines à Amsterdam aujourd'hui ? Qui tient les principaux établissements en Allemagne ? Ce ne sont plus des casiers judiciaires mais des annuaires d’infractions quand on y regarde d’un peu plus près.

 

Non vraiment, il ne fallait pas. L’industrie de l’exploitation des femmes dit merci à la Belgique. Les prostitueurs français aussi qui pourront continuer de venir passer des week-ends « exotiques » chez vous et profiter du service. Et notre belle Europe de faire résonner l'hymne à la joie des Hommes pour la contractualisation d'une violence sexiste et sexuelle ?

 



[1]https://www.liberation.fr/international/europe/prostitution-la-belgique-devient-le-premier-pays-du-monde-a-creer-un-contrat-de-travail-20241201_Q6XITULQJJGDJPBX5U7X5UCMNY/

[2]Melissa Farley, A. Cotton, J. Lynne, S. Zumbeck, F. Spiwak, ME. Reyes, D. Alvarez, U. Sezgin, « Prostitution and Trafficking in Nine Countries : An Update on Violence and Posttraumatic Stress Disorder », Journal of Trauma Practice, Taylor and Francis, 2003. Étude menée sur la base d’entretiens avec 854 personnes en situation de prostitution ou venant d’en sortir, dans neuf pays (Canada, Colombie, Allemagne, Mexique, Afrique du Sud, Thaïlande, Turquie, États-Unis, Zambie), revue par des pairs.

 

 

La Fondation Scelles dans la presse

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