La loi 2021-478 «visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste » vient d'être adoptée en seconde lecture à l'Assemblée nationale. Quels changements va-t-elle apporter à la lutte contre la prostitution des mineur·e·s ?
La mesure-phare de la loi « visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste » adoptée par l'Assemblée nationale le 15 avril dernier, est l'instauration d'un âge de non-consentement en deçà duquel tout acte sexuel entre un adulte et un·e mineur·e de moins de 15 ans est présumé être contraint. De ce fait, la prostitution d'un enfant de moins de 15 ans sera considérée comme un viol, et les peines encourues seront les mêmes pour le proxénète comme pour le « client » (qu'il soit majeur ou mineur) d'une personne prostituée de moins de 15 ans : jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d'amende.
En ce qui concerne les mineur·e·s de plus de 15 ans, les peines pour recours à la prostitution sont alourdies : jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende (au lieu des 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende, prévus par la loi 2002-305 sur l'autorité parentale).
La loi prend également en compte de nouvelles formes d'exploitation sexuelle des mineur·e·s (la diffusion d'images, vidéos ou représentations à caractère pornographique, sextorsion en particulier) via les nouvelles technologies : une personne majeure sollicitant auprès d'un·e mineur·e de 15 ans la diffusion d'images personnelles à caractère porno sera désormais passible de 10 années d'emprisonnement. Une nouvelle incrimination punira de la même sanction « le fait pour un majeur d'inciter un mineur de 15 ans par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers »
La prostitution est un viol
La Fondation Scelles se félicite que la qualification de viol soit enfin apposée à des faits de prostitution, en l'occurrence la prostitution sur mineur·e·s de moins de 15 ans. Mais la prostitution est un viol à 13 ans comme à 17 ans. Les études réalisées par l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis montrent que les 6 000 à 10 000 mineurs en situation de prostitution sont en majorité des filles entre treize et seize ans. C'est pourquoi nous déplorons que la loi instaure un seuil d'âge et ne criminalise pas de la même manière la prostitution de tous/toutes les mineur·e·s de moins de 18 ans. « Tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger », dit la loi relative à l'autorité parentale de 2002. Qu'il ait 17 ans ou 14 ans, un·e mineur·e dans la prostitution doit bénéficier de la même protection de l'État.
La loi face à la réalité
Le message envoyé par la loi est fort. La Fondation Scelles espère surtout que les peines prescrites seront appliquées.
Sur toute l'année 2020, au tribunal de Bobigny (où les signalements de prostitution de mineur·e·s ont pourtant augmenté de 18% par rapport à 2019), seuls deux hommes ont été condamnés pour achat d'actes sexuels auprès d'une personne mineure. Leur peine : un an de prison avec sursis. Au cours de l'audience, tous deux ont contesté avoir eu connaissance de la minorité de la victime et font aujourd'hui appel de la condamnation. En cas d'insuffisance de preuve de la connaissance de la minorité, les « clients » de personnes prostituées mineures sont généralement sanctionnés par une simple contravention de 5e classe, peine prévue pour l'achat d'actes sexuels auprès de personnes majeures par la loi du 13 avril 2016.
Quelles que soient la loi en vigueur et les peines prévues, les poursuites pour délit de recours à la prostitution des mineur·e·s demeurent trop rares. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 avril 2016, les poursuites engagées ont paradoxalement diminué, passant de 67 en 2016 à 34 en 2018. Il faut poursuivre systématiquement les « clients » avec une multiplication des procédures à l'encontre de ces pédocriminels.
Nous espérons que la loi adoptée par l'Assemblée nationale pourra accroître la lutte contre la prostitution des mineur·e·s et dissuader ceux et celles qui les exploitent. Mais l'urgence aujourd'hui est avant tout de déployer les moyens nécessaires pour que TOU·TE·S les mineur·e·s, garçons et filles de moins de 18 ans soient protégé·e·s, de manière égale, contre les violences sexuelles et de mettre fin à l'impunité de ceux et celles qui les exploitent.